❝ la vie d'un homme sans nom,
un homme extraordinaire ❞

Ismaël ne désirait plus me voir ? Qu'importe. J'avais besoin de lui parler, besoin de sa présence, besoin de me dire que malgré tout il était toujours là pour moi. Je comprenais parfaitement que ce soit difficile pour lui. J'étais restée inerte durant trois ans. Trois ans d'absence. Mais pour moi, ce n'était comme-ci qu'une simple et vulgaire nuit remplie de cauchemars s'était écoulée. Difficile de ce fait d'accepter la rupture, la distance, et ces réactions étranges à l'égard de ma personne. Je pénétrais silencieusement le garage, mains enfouies dans les poches de mon sweat, je me faisais discrète. Je n'avais pas envie qu'il me remarque, pas tout de suite. J'avais peur de sa réaction, peur qu'il me demande de quitter cet endroit, son quotidien, sa vie. Le bruit des machines masquaient mes pas, je pouvais ainsi gagner l'étage sans que personne ne m'entende. Invisible. Voilà ce que j'étais. Rapidement je m'asseyais sur le sol, glissais mes jambes entre les rembarres qui sécurisaient l'étage servant de dépôt. Je pouvais ainsi l'observer. D'en haut. J'agissais toujours ainsi, avant. Après mes longues séances de répétitions, mes cours, je venais régulièrement le retrouver au sein de son garage. Je me cachais à l'étage, l'observais durant de longues minutes et attendais qu'il vienne, lui et ses mains crasseuses, m'offrir un baiser captivant. Aujourd'hui, c'est en sortant d'une longue séance de kinésithérapie et d'une longue séance avec un psychologue que j'avais pris la décision de me rendre sur son lieu de travail. Je risquais de me blesser, mentalement, en agissant ainsi. Notre relation n'était plus la même. Je devais l'accepter, je devais. Mais je n'y arrivais pas. Comme je n'arrivais pas à accepter le fait que Teigue se soit échappé. Il avait fuit ses responsabilités, fuis mes blessures, nos blessures. Même mes parents qui m’accueillaient désormais sous leur toit semblaient totalement dépassés par la situation. Pourquoi ne pas être heureux, tout simplement ? J'étais en vie, et je me sentais pourtant si vide, dévêtue de ses relations qui m'étaient précieuses. Un profond soupire s'échappa de mon corps tandis que rêveuse, je fermais mes paupières. Ismaël, Teigue, mes parents. Ismaël, Teigue, mes parents. Danser, danser, danser. Ismaël, Teigue, mes parents. Dormir. Voilà l'horrible mélodie qui se répétait sans cesse dans mon esprit fatigué par tant de douleurs. Je rouvrais mes paupières, déposais de nouveau mon regard sur lui. Qu'il était beau. Qu'il me manquait. Cet homme, cet homme qui était encore hier le mien.