« Gabe, ça fait une deux jours que j’ai pas de tes nouvelles, donne-moi-en s’te-plait, tu m’inquiètes. » Y’a rien à comprendre là-dedans, je comprends pas pourquoi ma sœur s’inquiète pour moi, elle sait que j’suis capable de me débrouiller et que si je donne pas signe de vie c’est parce que j’suis occupé. Je soupire, sachant pertinemment qu’elle pourrait débarquer du jour au lendemain si ça fait son affaire et qu’elle va tenter de me baratiner pour que j’lui parle de ce qui se passe dans ma vie, ce qui a le don de ne pas fonctionner, jamais. Elle essaie, mais elle y parvient pas et parfois ça lui fait mal de se rendre compte que j’serais jamais le genre de frère normal, celui qui va s’assoir avec elle et parler pendant des heures, dans le fond, le frère qu’elle aurait voulu que j’sois, celui qui est super proche d’elle et qui, par conséquent, lui donne tout ce qu’elle veut. Depuis la naissance de mon gosse avec Juliana, elle est parfois un peu distante, me rappelant une fois de temps à autres que j’aurais pas dû faire ça et qu’elle aurait aimé être tante officiellement. J’lui ai répété à maintes reprises que ça pouvait pas fonctionner, que j’étais pas fait pour être père et que j’avais aucune envie de m’imposer ce fardeau alors que ma vie va plutôt bien en ce moment. Je gère mon business, Juliana est sous contrôle et j’ai besoin de rien. Bref, je me résigne à la rappeler, pour entendre le blabla habituel. « Tu peux pas m’ignorer pendant deux jours, okay ? Je sais pas ce que tu fais et j’aime pas ça. Tu dis que t’as besoin de contrôler c’que j’fais et t’es même pas foutu de me dire ce que toi tu fais. » J’aborde un air exaspéré, tellement que même au bout du fil elle le ressent. « C’est bon Ronnie, sois pas chiante, j’viens de finir de régler un contrat qui m’a pris nuit et jour à conclure, on se verra ce soir, j’passerais te voir avec de quoi manger et le sac à main que tu m’as dit que tu voulais l’autre jour quand on est allés faire du lèche-vitrine. » Du lèche-vitrine c’est de la pure merde, mais je le fais parce que j’ai pas le choix et que j’aime ma sœur malgré tout. Elle est bien la seule pour qui j’fais autant de concessions, parce que normalement j’me pose pour que dalle. « J’dois aller en réunion, à plus tard. » Je raccroche sans attendre et me dirige vers la salle de réunion. « Tiens, Gabe, assieds-toi, ça va commencer… » Que me dit Samantha, ma collègue. C’est la nouvelle qui vient tout droit de New York. Elle a l’air intéressante, baisable même, peut-être que j’vais me la faire un de ces jours.

Putain, la journée a été longue, j’ai faim et j’ai aucune envie d’attendre que Ronnie se décide quoi cuisiner, puis j’lui ai dit que j’lui emmènerais un truc à bouffer, donc j’me rends dans un endroit où la nourriture est quand même bien et m’assois en attendant qu’on vienne me servir. Je fais plusieurs appels avant qu’on daigne voir que je suis là et je sors mon ordinateur portable pour regarder si tous mes comptes sont bons. Une fois que c’est fait, je relève la tête et la serveuse est entrain de prendre ma commande, mais j’repère une bombe qui vient à peine d’entrer et la reconnais de suite. Mona… Un coup que j’me suis fait y’a pas si longtemps, un putain de bon coup si j’puis dire. Un sourire en coin, je me lève et ramasse mes trucs, dis à la serveuse que ses services ne me seront pas nécessaires et m’assieds juste à côté de la petite blonde. « Si j’avais su que tu fréquentais ce genre d’endroit, j’serais venu plus tôt. » C’est pour commencer la conversation, qui – si je suis chanceux – mènera peut-être à quelque chose. Après tout, c’est bien ça le jeu entre nous deux, non ?