❝ I intend to judge things for myself; to judge wrongly, I think, is more honorable than not to judge at all. ❞

❖ ❖ ❖

Cela ne lui semblait pas juste. Son frère ainé se trouvait dans le coma depuis deux jours à présent. Les docteurs ignoraient quand il se réveillerait. Depuis  ce moment là, la demoiselle avait l’impression d’être prisonnière de ses sombres pensées. C’était presque comme si une bulle, un dôme l’entourait. Il lui était parfois impossible de comprendre les mots qui s’échappaient des lèvres des autres êtres humains. C’était devenu assez délicat surtout sur son lieu de travail. Il lui arrivait de demander aux clients du restaurant de lui répéter trois fois leur commande. La brune était distraite. Littéralement son esprit était ailleurs. Bien trop occupé à réfléchir à des éventualités désastreuses. La serveuse avait à peine utilisé son téléphone depuis que ce dernier lui avait exposé la nouvelle. Cet après-midi là, Carlene ne travaillait pas comme de nombreuses fois. L’avantage certain de travailler à mi-temps au lieu d’un temps complet. La jeune femme s’était alors décidée à retourner à l’hôpital. Isaac n’avait pas pu l’y rejoindre. Cependant quelqu’un d’autre s’y trouvait. Hugo, un des amis proches de son frère.  Il venait lui rendre visite. C’était une délicate attention qui aurait sûrement fait plaisir à Léo. Les médecins avaient alors tenté de leur expliquer un peu les avancements quand à l’état de l’ainé Dawey. Mais les mots lui semblaient n’être que du charabia sans queue ni tête. Isaac était beaucoup plus doué pour comprendre ce langage qui lui semblait maquiller la vérité. La jeune femme ne s’y faisait toujours pas. Le voir étendu sur ce lit, sa peau pâle, cet habit bleu difforme sur le dos, ses draps blancs mais surtout ce tube qui le maintenait en vie. Cela lui rappelait étrangement de vagues souvenirs de sa mère. Et cela ne rendait pas vraiment ses visites à l’hôpital plus facile. Non, loin de là. Tous les deux étaient restés chacun d’un côté du lit sans parler. Carlene serrait la main de son frère de temps à autre. Elle n’était pas froide mais pas aussi chaude qu’habituellement. It felt weird. Les deux visiteurs avaient fini par rejoindre l’appartement de Carlene. Hugo lui avait demandé de lui indiquer la salle de bains. Ce que la brunette avait fait sans bien réfléchir. S’il venait à ouvrir l’armoire à pharmacie au dessus du lavabo peut-être se poserait-il des questions. Mais Carlene ne voyait pas véritablement le mal qu’il y avait dans sa pharmacie. Elle avait été blessée et il lui arrivait parfois – souvent – de recourir à une certaine aide médicale pour réussir à tenir sur ses deux jambes avec aisance. Was it so bad ? Avoir besoin d’une aide médicale, "en dépendre"  était son quotidien. La jeune femme y avait pris goût. Carlene finit par se laisser tomber sur le canapé du salon. Perdue dans le flot insondable de ses pensées, il lui fallut quelques secondes pour réaliser qu’il s’adressait à elle et qu’il était sorti de la salle de bains.   « Léo m'a parlé de ta blessure au genou. Comment tu t'en sors à l'heure actuelle ? » , lui demandait Hugo. Il semblait avoir une idée derrière la tête. Il était direct. So was she.  Son regard noisette se déposait sur le jeune homme. Ravalant sa salive, cherchant à se concentrer sur ce qu’elle souhaitait répondre. Après quelques secondes, l’américaine finit par prendre la parole à son tour. « Hum… Ca dépend des jours, je dirais. Mais globalement ça va. Pourquoi ? Non parce que je doute très sincèrement que tu souhaites véritablement connaître mon état de santé. » Soudain quelque chose la frappait. Il avait du ouvrir l’armoire à pharmacie et découvrir la seconde étagère. Cette dernière se composait presque exclusivement de flacons oranges remplis d’antidouleurs divers et variés. Elle en avait essayé tellement au fils des années qu’elle avait perdu le fils sur leur nombre exact. Cependant, il y en avait clairement un certain nombre. « Ahm… Alors, tu es tombé sur ma pharmacie. Plus précisément, mes prescriptions. Je n’en prends presque plus à présent… Donc, je pense que tu peux garder ton regard désapprobateur et ton jugement pour toi… Ou est-ce Léo qui t’a dit quelque chose ? Est-il toujours persuadé que je suis incapable de prendre soin de moi-même ? Parce qu'il me semble que je me débrouille assez bien sachant que je respire encore à l'heure actuelle... » , s'emportait la brune qui ressentait soudain le besoin de se justifier.

❝ I intend to judge things for myself; to judge wrongly, I think, is more honorable than not to judge at all. ❞

Carlene n’était pas bien méchante dans le fond. Cependant, elle avait clairement son caractère. Cela n’était pas forcément facile à appréhender. A peine avait-elle prononcé le prénom de son frère qu’elle le regrettait. Il était pourtant le seul lien qui les liait l’un à l’autre. Pour tout dire, Carlene ne savait pas grand chose de lui si ce n’est ce que Léo lui avait dit. A savoir qu’ils se connaissaient depuis un moment. Il ne lui avait pas dit autre chose de plus. Et puis, la brune n’avait pas insisté ne voulant pas  s’y attarder davantage. Ce qui faisait de ce brun, un quasi-mystère. Comme nous le savions tous, le mystère était connu pour être intriguant. Il l’était définitivement. Tous les mystères vous donnaient envie de les découvrir. Pourtant parfois, nous voulions connaître la fin par avance mais tout de même rester surpris au moment venu. C’était la même chose avec le jeune homme. A cet instant, il avait piqué son intérêt. Ce qui l’étonnait surtout était son entêtement à vouloir obtenir le fin mot de l’histoire. Ils ne se connaissaient pas énormément. La seule personne qui les avait amené à se connaître se trouvait dans le coma. Finalement, il semblait qu’il n’avait aucune raison d’être ici. Une part d’elle-même se disait qu’elle devrait le mettre à la porte. Après tout, qu’est-ce qui l’en empêchait ? Carlene était chez elle après tout. La demoiselle s’était relevée pour faire face à Hugo. Elle ne comptait pas rester assise et le laisser l’accuser d’actions qu’il ne lui semblait pas avoir commises.  «  Le fait que tu reconnaisses brusquement le sous-entendu de cette interrogation et que tu ressentes étrangement le besoin instinctif de te justifier de la sorte, ne prouve-il pas que tu as justement quelque chose à te reprocher ?  Ou tout bonnement quelque chose à cacher ? » , rétorquait le jeune homme. Un soupir s’échappait de ses lèvres rosées. La demoiselle croisait ses bras sur sa poitrine. Il commençait à sincèrement l’agacer. Elle ne comptait pas se gêner pour l’exprimer. Roulant les yeux au ciel alors que l’adrénaline la faisait légèrement trembler, Carl’ finit par déposer son regard sur l’homme qui semblait tout savoir.  « J’ignorais que j’étais à ce point là, un livre ouvert pour toi. », lâchait sarcastiquement la serveuse. Il était agaçant et intriguant, une dangereuse combinaison. La demoiselle pris une profonde inspiration avant d’ajouter :  « Je ne suis pas stupide, that's all. Je n’ai rien à cacher tout simplement parce que je n’ai rien fais de mal. Mais si tu es tellement déterminé à prouver le contraire. Je t’en prie, ne te gêne pas.  »

❝ I intend to judge things for myself; to judge wrongly, I think, is more honorable than not to judge at all. ❞

Il était facile de juger sans connaître. Il était facile de se sentir juger lorsque c’était la seule chose que nous connaissions le jugement d’autrui. Carlene n’était du genre à aimer la présence étouffante des autres ou plus communément être entourée. Etre seule n’était pas un problème. Elle appréciait même parfois de se retrouver avec elle-même pour seule compagnie.  C’était plutôt apaisant. Comme en cet instant, où l’adrénaline parcours son être. « Alors soit honnête dans ce cas, à quand remonte la dernière fois que tu en as pris ? », lui demanda Hugo. Ses sourcils se froncèrent. Son esprit s’embrouillait alors qu’elle tentait de réfléchir. Combien de temps depuis son dernier médicament? « I... I... » , tenta-t-elle de répondre confuse. Il lui était impossible de répondre avec exactitude. La jeune femme avait beau se creuser la tête. Hier ? Une semaine ? Aujourd’hui ? Un mois ? Deux heures ? Trois minutes ? Sa gorge se nouait. L’incertitude l’ensevelit bien trop rapidement, lui coupant le souffle. « Now i get i, you were shaking. I saw it the other day… Nothing to do with that huh ? I just imagined the all thing. Yes it must be that. », poursuit le brun. Son rythme cardiaque s’accélérait. Mon dieu. Il avait raison. Il n’y avait rien de normal. Ce n’était pas normal de ne pas se souvenir de la dernière fois qu’elle avait eu besoin de prendre un cachet. Un mal de crâne suivit d’une douleur lancinante qui lui tirait le genoux  se firent entendre.  She needed a pain killer. La douleur était-elle réelle ? Était-elle véritablement liée à sa condition physique ? Ou était-ce son esprit, son corps qui réclamait sa dose ? La petite brunette s’éloignait sans un mot de son invité pour aller se servir un verre d’eau. Il lui fallait se calmer... La brune avait du mal à se concentrer. « You might not be so wrong after all... » , finit-elle par avouer tout aussi bien coupable que stupéfaite. Ses tremblements lui font lâcher le verre qu’elle tient dans sa main. Ce dernier s’écrasa sur le sol de la cuisine américaine. Sa respiration était heavy. Sa tête tournait. La serveuse passa sa main dans ses cheveux avant d’aller chercher un balai et une pelle.

❝ I intend to judge things for myself; to judge wrongly, I think, is more honorable than not to judge at all. ❞

Carlene avait l’impression que son monde s’écroulait une seconde fois – enfin, seconde, la demoiselle avait cessé de compter depuis bien longtemps. Une mauvaise nouvelle ne devait jamais venir seule  semblait-il puisque la demoiselle venait de réaliser qu’elle n’avait aucune emprise sur ses médicaments.  Ils semblaient avoir glissé dans sa gorge sans lui demander véritablement la permission depuis quelques mois au moins. Dans sa maladresse caractéristique, son verre lui avait lâché des mains.  Se dire qu’elle avait un problème, la rendait malade. Sa gorge était nouée.  La brunette avait la nausée. Machinalement, la serveuse se dépêchait de prendre de quoi nettoyer sa bêtise. Soudain, Hugo se trouvait devant elle,  s’interposant : « Laisse-moi faire.  Tu devrais plutôt retourner dans le salon. »  Ayant pour habitude d’être la personne autoritaire dans la plupart des situations, l’américaine s’exécuta sans réfléchir, bien trop préoccupée et surprise pour réagir. Elle avait déjà beaucoup trop de choses en tête comme par exemple l’envie irrépressible de se débarrasser des médicaments de sa pharmacie. Ignorant la suggestion qu’il avait faite, la petite brune se rendit directement dans sa salle de bain.  La jeune femme dont la respiration était saccadée, ouvrit avec véhémence la porte de la pharmacie. Ses tremblements n’arrangeant rien aux larmes qui lui brouillaient la vision. Étant pertinemment incapable de déterminer ce qui était écrit sur les flacons, la jeune femme les ouvrit les un après les autres pour les jeter à tour de rôle dans la cuvette des toilettes puis dans l’évier au dessous de la pharmacie. Ce ne fut qu’arrivée à la moitié de son pillage qu’une voix lui parvint derrière elle. « Je peux savoir ce qui ce passe ici ? », lui demanda le brun. La brune essuya ses larmes d’un revers de main puis ravala difficilement sa salive. Assise sur le sol de la sale de bain, le nez rouge et les yeux bouffis, Carlene ne pouvait probablement pas être plus pathétique qu’en cet instant. Et pourtant, elle répondait avec sarcasme : « Doing drugs, obviously. Just like you expected… » Prenant une profonde inspiration, la belle se reprit, s'en voulant presque de sa réflexion précédente alors qu'il semblait vouloir l'aider. Pourquoi ? C'était une bonne question. Si c'était par charité, la jeune femme n'en était pas une. « Je… Je me débarrasse des cadavres de ma penderie. » S’appuyant contre le rebord des toilettes d’une main puis celui de la baignoire de l’autre, la demoiselle dont les jambes se faisaient de coton tenta de se relever. She was quite a mess, Carlene.

❝ I intend to judge things for myself; to judge wrongly, I think, is more honorable than not to judge at all. ❞

❖ ❖ ❖

Il lui semblait difficile de respirer. C’était pourtant impossible. Respirer était un acte naturel, un réflexe incontrôlable. Son esprit était embrumé. Sa tête lui tournait. Elle ne pouvait pas rester assise à réfléchir, à penser. Non, elle ne voulait pas… La brunette refusait de laisser son problème gagné. Cette dépendance idiote n’en était pas une. La belle pouvait définitivement s’arrêter. Il lui suffisait de le vouloir très fort et de… Se débarrasser de ses bouées de secours. Plonger tête la première c’était son premier instinct.  Se leurrer aussi, semblait-il. Peut-être l’apprendrait-elle un jour. « Tu ne devrais pas rester seule ce soir. Veux-tu que je te dépose chez une amie, ou un ami ? », lui offrait le jeune amnésique. Prenant une profonde inspiration, la demoiselle balayait sa proposition d’un éclat de rire nerveux. Il ne manquait plus que quelqu’un d’autre la voir dans cet état. La jeune femme ne se le pardonnerait pas. She wasn’t the weak one. « Non, ça ira merci. Je vais rester ici… I’ll be fine, don’t worry. », répondit la belle. La brune le pensait sérieusement. Elle ne voulait pas entrainer ses amis dans ses déboires, il en avait déjà assez de leurs problèmes pour avoir à supporter les siens. « Ou je devrais peut-être essayer de joindre Isaac. », tenta-t-il. La demoiselle tenta de se relever sur ses deux jambes afin de lui prouver que ses paroles étaient sincères. Autant dire qu’entre sa maladresse habituelle et ses émotions qui dégringolaient, ce fut sûrement un brillant échec. Fronçant ses sourcils, chancelante la demoiselle fut très reconnaissante que le jeune homme ne la retienne. Sans lui, elle aurait sûrement retrouvé le sol de nouveau. Un bruit sourd la fit détourner le regard. Un téléphone venait de rejoindre un coin de la salle de bain. Probablement celui d’Hugo, devinait la belle. Il avait du souhaiter appeler son grand-frère alors qu’elle tâchait de se relever. « Sorry about your phone.  I’ve never been better, can’t you see ? », plaisantait la brune en lui adressant un maigre sourire. Son regard se détachait finalement du sien pour se poser sur le téléphone de ce dernier. Déposant sa main sur la sienne comme pour l’éloigner, sa bouche s’ouvrait pour se refermer avec indécision. « Tu ferais mieux de partir, c’est déjà assez tard. T’en fais pas, cela ira. Puis, tu as probablement mieux à faire.  », lui dit la serveuse.  You want him to stay but you tell him to go.

Spoiler:

❝ I intend to judge things for myself; to judge wrongly, I think, is more honorable than not to judge at all. ❞

❖ ❖ ❖

Carlene était un peu perdue en cet instant mais elle s’accrochait de toutes ses forces pour ne pas sombrer dans l’abysse qui se rapprochait. C’était comme un gros nuage noir qui planait au dessus de sa tête. Elle voulait crier à s’en décrocher les poumons ou à en perdre la voix. Sa tête lui tournait légèrement. Ce devait être un cauchemar. Elle allait bientôt se réveiller. Son frère n’était pas le coma et la brune n’était pas dépendante aux antidouleurs. Non… Ce n’était pas possible.  La douleur qui lui pressait le cœur et tiraillait son genou, lui disait le contraire. Soudain, une vague intense de fatigue la submergeait. D’un côté, la demoiselle était partagée entre l’envie de lui dire de rester et sa vanité qui lui disait de lui dire de partir. Les relations humaines avaient décidément tendances à être toujours trop compliquée. Où était-ce simplement pour elle ? Les personnes qui l’entouraient avait toujours tendance à finir par la lasser ou l’agacer donc peut-être n’accélérait-elle pas tout simplement l’inévitable. Ils finiraient par se laisser l’un de l’autre. Elle finirait par être agacée par le fait qu’il semblait la comprendre un peu trop bien.  Et pourtant, la surprendre tout autant. « If you want me to leave, i will. But i don't think it's a good idea that you stay alone tonight. For what it's worth. » Commençait le brun. La jeune femme déposait son regard de nouveau sur lui. Tentant de déterminer la sincérité de ses propos. Mais surtout, pourquoi, juste ciel, cela l’importait. Ce n’était pas son affaire après tout. She wasn't not very used to it...   Besides, i don't have better things to do, as you say so. But thanks for being concerned. » , conclut-il finalement.  Croisant ses bras contre sa poitrine, signe de son mécontentement, de son opposition, Carlene fronçait les sourcils. Ses lèvres étaient légèrement pincées. Une expression particulière qui l’habitait lorsque quelque chose ne lui convenait pas. Pendant quelques secondes, la brunette ne répondit pas. Réfléchissant, tâchant de résoudre ce dilemme cornélien. Se rendant finalement, à l’évidence, la serveuse lâchait : « Just because I’m small doesn’t mean I’m a delicate and fragile flower I’m not a little girl, you know. I can deal with myself. I have always done it, and I’ll get back on my feet. I’ve lost and been hurt so many times by now that it almost feels like I’m meeting an old friend again. Thank you for your concern, Hugo. It’s very sweet of you.  It means more than you realize but I think I just need to be alone. I will make it up to you, I promise.  »

Spoiler:

Spoiler: