rory/izzie corcoran.

❝ hope the wound heals but it never does
that's cause you're at war with love. ❞

La télévision était allumée mais Izzie se contentait de la fixer. Silencieuse, immobile, elle tenait sa tasse de cappucino comme si sa survie en dépendait. Peut-être était-ce le cas d’ailleurs. Peut-être pas pour les battements de son cœur mais pour sa santé mentale. Ces derniers temps, tout lui rappelait la guerre. Tout et n’importe quoi. Elle savait que c’était normal, qu’il fallait un temps d’adaptation, ce n’était pas sa première fois. Mais c’était sa première fois sans Polly. C’était la première fois sans Rory. Avec son père en voyage d’affaire, elle se retrouvait seule avec ses cauchemars comme seuls compagnons. Elle avait beau se forcer à sortir chaque jour, cela restait de l’ordre de l’apparition. Même vide, sa maison paraissait plus sure que n’importe quel autre endroit. Reposant sa tasse, elle récupéra son i phone faisant défiler son répertoire. Il était plus de minuit, elle ne voyait pas vraiment qui elle pouvait déranger avec pour seule excuse d’avoir peur du noir. C’était ridicule. Et puis ce n’était pas comme si elle avait envie d’avouer tous ses petits travers. C’était temporaire, parfaitement temporaire. Elle irait mieux. Elle se le répétait matin et soir. Elle irait mieux. Elle espérait vraiment qu’un jour elle n’ait plus besoin de se le répéter, qu’elle irait vraiment mieux. Les vibrations de son portable la firent sursauter comme une damnée et il lui fallut plusieurs secondes pour s’en remettre et décrocher. « Rory ? Qu’est ce qu’il y a ? » Il était trop tard pour un appel de routine et Izzie commençait déjà à paniquer. « Vous êtes bien Izzie Corcoran ? Elle acquiesça tandis qu’une boule se formait dans son ventre. Elle était persuadée que c’était ainsi que la police apprenait la mort d’un proche. Je suis videur au et je ne pense pas que votre sœur devrait rentrer seule ce soir. Vous pouvez venir la chercher ? » La peur viscérale qui l’avait prit aux tripes en pensant qu’elle était morte se mua en un soulagement intense. Elle était en vie, tout allait bien. « Izzie ? » En pleine exultation, elle en avait oublié le téléphone. « Oui oui bien sur, j’appelle un taxi et j’arrive tout de suite. Ne la quittez pas des yeux s’il vous plait, j’arrive tout de suite. » Il ne lui fallut pas plus de trois minutes pour appeler un taxi et enfiler son manteau sur son vieux survêtement.

Vingt minutes plus tard, elle descendait devant la boite. Elle avait été jeune, elle avait fait quelques conneries et elle savait que jamais un taxi ne prendrait sa sœur si elle était dans un sale état aussi le laissa-t-elle repartir. A regret lorsqu’elle se retrouva seule sur le trottoir. Inquiète, elle n’avait pas pensé aux conséquences de sa petite sortie nocturne. Elle était seule, à moitié habillée devant une boite de nuit. Le bruit, même à l’extérieur était éprouvant pour ses nerfs. Son cœur battait la chamade et un filet de sueur quitta sa nuque pour son dos. « Izzie ? » La blonde retint son cri de justesse et leva les yeux vers un grand brun qu’elle catalogua d’emblée comme le videur. « Elle va bien ? » Resserrer son manteau contre elle de sa main libre lui donnait l’impression de faire quelque chose pour lutter contre la panique sous-jacente. « Autant qu’elle peut dans cet état là. J’ai demandé à un collègue de la mettre dans la salle de repos. Je connais bien votre père, j’espère qu’elle va bien. » Izzie esquissa un faible sourire, à peu près aussi faible que sa volonté. La salle du personnel. Dans la boite. A l’intérieur. Elle allait tuer Rory. C’était sur et certain elle allait la tuer parce que là, c’était tout ce à quoi elle pouvait penser. « Suivez-moi. » Il posa une main dans le bas de son dos et la poussa vers l’intérieur. Izzie était déjà partie à peine un pied dans la boite. Les basses sous ses pieds lui rappelaient la terre qui tremblait lors de bombardements, les gens la cohue qui pouvait en résulter, seule l’odeur était différente. L’odeur de la mort y était absente mais elle s’en rappelait si bien que tout y était. Il lui fallut plusieurs secondes pour se rendre compte qu’elle n’était plus là bas, que les bruits avaient cédés la place à un silence. De mort. Izzie tremblait et elle savait que ses yeux ne reflétaient que terreur. « Je dois y retourner. » Lui dire merci était trop lui demander pour le moment aussi se contenta-t-elle d’acquiescer. Elle tomba sur le canapé plus qu’elle ne décida de s’y asseoir. Sa sœur à côté semblait elle aussi bien ailleurs. Levant la main, elle lui fila une tape sur la tête et se concentra sur elle. Rory était là. Elle était en sécurité. Aux Etats-Unis. Elle était en sécurité. « Qu’est ce que t’as prit, tu vas bien ? » Le poignet de sa sœur dans le sien, elle comptait les pulsations de son pouls tout en l’observant attentivement. Ses pupilles étaient dilatées, ne laissant aucun doute quant à la nature de son état. Passer en mode infirmière l’aidait, personne n’allait mourir, elle avait le temps devant elle. Elle était en sécurité.

rory/izzie corcoran.

❝ Je ne peux pas parler. Si je te disais que mon cœur a si mal parfois que je veux l'arracher de ma poitrine avec mes propres mains... je m'effondrerai. Et je n'ai pas le temps pour ça. ❞

La nuit était tombée tout autour d’elle. C’était sombre, vide. Ca n’avait aucun sens. Avant, Rory, elle riait pour un rien, s’esclaffait de la plus petite bêtise, mais maintenant, la jolie blonde, elle rit plus. Elle ne sait plus comment on fait. Elle a perdu la notice. Son rire, il s’échappe plus de sa gorge. Il s’étouffe entre ses lèvres, mais ne s’échappe plus. Pas quand elle est sobre, en tous cas. Pas quand elle a pleinement conscience de ses actes et du manque qu’il l’habite continuellement. Parce qu’elle est plus naïve, Rory. Elle sait maintenant que son prince charmant n’est en fait que le vilain dragon et que personne ne viendra jamais la sauver de son emprise. Elle sait pertinemment que le vide qu’elle ressent dans sa poitrine est de sa faute, à elle seule et que rien ne le comblera plus jamais. Elle avance dans la vie, à la recherche de quelque chose qui lui donnera l’impression d’être encore en vie. Pendant quelques instants, elle arrive à trouver des substituts. Elle fume pour se faire tourner la tête. Elle offre son corps pour quelques minutes où elle se sentira pleinement désirée, puis elle s’enfuit dans la nuit, incapable de donner plus que quelques minutes de plaisirs. Elle n’est pas très douée pour les sentiments, la petite. Pour ça, il aurait fallu qu’elle ait un cœur et le sien s’était fait la malle entre les accords d’un guitariste raté.

Mais ce soir, elle ne pensera pas à lui. Quand les mains d’un parfait inconnu dessineront les courbes de ses hanches, elle n’imaginera pas les siennes. Elle profitera du moment sans se soucier de savoir s’il serait jaloux s’il la voyait là. Elle sait qu’il ne le sera pas, parce que, contrairement à elle, il s’en est jamais soucié. Et c’est pas bien grave. Elle aussi a cessé de s’en soucier. Elle se moque bien de tout. Elle s’en fiche de savoir que sa robe est bien trop courte, que le garçon, qui lui murmure des mots doux dans le cou tout en lui offrant une dose d’un produit qu’elle ne connait pas, a une petite amie. Elle s’en moque parce que la musique mélangée aux substances qu’elle a consommées avant de venir lui permette de mettre son cerveau en pause. Elle n’a pas besoin de réfléchir. Elle doit simplement ressentir, mais elle ressent rien, alors elle continue d’ingurgiter tout ce qu’on lui offre, jusqu’à ce que la terre tourne autour d’elle. Recroquevillée dans un coin, elle voit le monde tanguer autour d’elle. Et la seule chose qui la frappe, c’est à quel point elle est seule dans ce monde bien trop grand pour elle. Le monde continue de bouger autour d’elle, mais elle, elle reste assise contre le mur, ne prenant pas partie à la fête. Et quand Izzie lui touche le bras, elle la regarde à peine. Son regard reste accroché à tous ces gens, qui n’ont pas oublié comment s’amuser. Rory, elle sait plus. Elle se sent bien trop seule pour se souvenir de comment vivre. « Qu’est ce que t’as prit, tu vas bien ? » Son regard se pose sur sa sœur et elle ne fait même pas l’effort de lui offrir un sourire réconfortant, comme elle le fait la journée. Elle ne lui offre qu’un regard vide de sentiment. « Tu n’as pas à faire comme si tu t’en soucies. » qu’elle murmure, la jolie blonde. Elle tente de remonter à la surface, mais ses jambes ne la portent qu’à peine. Izzie tente de la rattraper, mais Rory la repousse. Elle est grande maintenant. Elle n’a plus besoin d’Izzie. « J’ai pas besoin de ton aide. J’ai su me débrouiller avant, j’y arriverais encore. »