Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.



 
AccueilAccueil  RechercherRechercher  Dernières imagesDernières images  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
-55%
Le deal à ne pas rater :
Coffret d’outils – STANLEY – STMT0-74101 – 38 pièces – ...
21.99 € 49.04 €
Voir le deal

Partagez
 

 sweet secrets ♔ pv. EOIN [#S042]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité



sweet secrets  ♔ pv. EOIN [#S042] Empty
MessageSujet: sweet secrets ♔ pv. EOIN [#S042]   sweet secrets  ♔ pv. EOIN [#S042] EmptyMar 27 Aoû - 11:15

sweet SECRETS
with Eoin Bates
dans leur villa


15h tapante. Reculant son siège de bureau, elle éteignait son ordinateur et rangeait quelques chemises en carton dans le tiroir. Une fois le bureau proprement rangé, elle en sortait d'un pas hâtif. D'habitude, Eva restait jusqu'en fin de journée au bureau, mais elle avait un rendez-vous important de prévu. Etant donné le travail qu'elle fournissait à l'entreprise, personne ne pouvais désapprouver de partir plus tôt ce jour-là. Elle avait peut-être même un peu trop d'heures supplémentaires au compteur. Mme. Bates saluait sa secrétaire d'un large sourire, lui souhaitant bonne soirée. Elle travaillait pour elle depuis voilà deux ans, Eva l'aimait bien. Pour tout dire, elle appréciait presque tous ses collègues, et étaient en très bons termes avec eux. Elle donnait encore quelques instructions à son bras droit et prenait le temps de répondre à quelques interrogations d'autres employés, puis s'éclipsa aussitôt. Depuis qu'elle s'était levée ce matin, elle était barbouillée. Elle avait dit à Eoin qu'elle avait peut-être mangé quelque chose d'avarié la veille, mais le malaise restait supportable.

Elle n'aimait pas lui cacher des choses. Mais là il s'agissait peut-être de quelque chose de singulier. Depuis quelques jours, elle devenait nauséeuse le matin, vomissait même parfois plusieurs fois dans la journée. Au départ, elle optait pour une indigestion, ou peut-être une maladie, mais une discussion lors du repas de midi avec ses collègues l'interpella. L'une d'entre elles commençait à parler de ses enfants. Puis le sujet avait dévidé aux grossesses. A ce moment là, Eva avait eu un moment d'absence, commençant à paniquer. Elle faisait semblant de s'y intéresser pour avoir davantage d'informations sur le sujet. Si ça ne tenait qu'à elle, elle aurait été plus heureuse que tout. C'était son rêve, mais pas un rêve partagé. Ses tentatives d'en parler avec Eoin étaient vaines, et elle n'osait pas trop insister, de peur de le contrarier. Bien que ça la mangeait de l'intérieur, elle ne voulait se montrer invivable sur le sujet. Non, non, il ne faut pas que je le déçoive, se disait-elle. Mme Bates restait pensive le temps qu'elle sorte de l'immeuble. Elle ne disait rien dans l'ascenseur, et se contentait de hocher la tête avec un léger sourire pour toute personne qui la saluait. Le temps était radieux dehors. Il y avait là quelques nuages, mais rien d'alarmant. Quoiqu' Eva avait entendu d'une dépression qui arriverait en fin de soirée, mais rien ne laissait supposer ceci durant l'après-midi.

La jeune mariée prit sa voiture, et s'en allait voir son gynécologue, dans un cabinet du centre ville. C'était un homme d'une cinquantaine d'années, adorable et compréhensif, et tout à fait franc avec ses patients - ce qui n'était pas donné à tous les médecins. Eva avait rendez-vous à 15h30, et s'attendait donc à être prise à 15h30. Mais c'était en voyant le monde qu'il y avait dans la salle d'attente qu'elle se disait que ça durerait un peu plus longtemps que prévu. Elle s'installa sur le dernier siège disponible et s'arma de patience. La consultante n'avait pas tête à bouquiner, elle était nerveuse. Ses s'appuyaient ses genoux, et ses doigts de la main droite jouait avec son alliance en or blanc qui ornait son annulaire gauche. Elle regardait par la fenêtre, puis son regard observait les personnes présentes dans la salle. Surtout ces deux femmes enceintes, qui paraissaient  radieuses et comblées de l'heureux évènement qui s'annonçaient pour elles. La semaine passée, Eva avait du faire une prise de sang, suite au test de grossesse qu'elle avait fait en cachette, un jour où Eoin n'était pas encore rentré du travail. Elle se souvient encore d'avoir appelé sa gynécologue, alarmée plus qu'autre chose. C'était avec calme et professionnalisme que le Dr. Whistley lui transmet une prescription pour une prise de sang. Et depuis elle attendait.

Ce fut une bonne heure après son arrivée au cabinet; peut-être un peu plus; que vint enfin son tour. Son gynécologue l'accueillit d'une main chaleureuse et l'invita à s'installer. Son émotivité devait booster ses hormones à ce moment, parce qu'elle était terriblement inquiète. Elle jouait constamment avec quelque chose en main. Si ce n'était les anses de son sac, c'était un morceau de papier ou son alliance. Le Dr. Whistley prit en main les résultats de la prise de sang, et lui confirma alors qu'elle attendait bien un bébé, et ce depuis un mois à peu près. Sa réaction prit du temps à venir. Eva eut un moment où elle restait totalement pétrifiée. Après, évidemment, elle sourit franchement, mais songeant la réaction éventuellement assez négative d'Eoin l'effaça presque aussitôt. Devant ce silence qui commençait à se faire pesant, le gynécologue joint ses deux mains sur son bureau en demandant.
"Est-ce que votre mari et vous aviez déjà songé à avoir un enfant, Mme Bates ?"
Eva restait muette dans un premier, fixant le médecin. Hésitante, elle finit par dire.
"Heum ... J'ai ... J'ai essayé d'en parler avec Eoin, mais ça n'a jamais vraiment abouti, disons."
"Quand avez-vous commencé ?"
"C'était un peu avant nos fiançailles. Mais j'ai essayé plusieurs fois, et à chaque fois, soit il esquivait le sujet, ou il me répétait qu'il ne ferait jamais un bon père, ou qu'il avait trop de boulot pour songer à agrandir la famille. Ce qui en soit est vrai, il enchaîne les projets en ce moment, et rentre parfois tard à la maison le soir."
Un sourire s'afficha à nouveau sur son visage "Mais ça me rend tellement heureuse, si vous saviez. C'est juste que j'ai peur de la réaction de mon mari, vous voyez ?"
Tout en saisissant le téléphone posé sur son bureau "Je peux toujours l'appeler pour qu'il vienne et l'annoncer par moi-même si vous vous voul..." Et Eva stoppa immédiatement son geste. "Non non. Je... Je vais lui dire moi-même ce soir, quand il rentre. Ca va aller. Je pense que ça va aller. C'est juste moi qui panique trop aussi peut-être."
"Pas faux. Sans vous mentir, vos hormones vont aller bon train, surtout durant les premiers mois. Si vous êtes émotive, attendez-vous à ce que vos émotions soit plus accrues qu'elles ne le sont initialement."
Eva va chez ce gynécologue depuis le début, ça a toujours été lui. Du coup, il la connaissait assez bien. La consultante remercia le Dr. Whistley et s'en alla, dans ses pensées.

Une fois à nouveau assise dans sa voiture, elle poussa un profond soupir, et se mit à rire. Oui, elle était heureuse, heureuse d'être enfin enceinte. Au début, elle tentait de s'approprier l'idée qu'elle avait un petit être grandissant de jour en jour dans son ventre. Ca l'émerveillait. A peu près tout ce dont elle rêvait se trouvait en elle. Fille ou garçon, elle s'en fichait. Elle s'imaginait déjà noyée par les couche-culottes et les biberons, les premiers mots, les premiers mots. L'idée d'avoir un enfant la submergeait au point où l'émotion, la joie, prenait le dessus de tout. Eva en pleurait. Seule dans sa voiture, face à son volant. Elle n'imaginait pas avoir cette chance. Pendant plusieurs mois, elle se demandait juste si elle pouvait être enceinte, l'idée la hantait de plus en plus, surtout après le mariage, sans pour autant le répéter encore et encore à Eoin. Elle gardait ces pensées-ci pour elle. Une fois (à peu près ) remise de ses émotions, elle démarrait enfin sa voiture pour rentrer chez elle.

Eva était radieuse, n'ayant que la bonne nouvelle en tête. Même s'il y avait toujours ce petit nuage mystérieux qu'était la réaction d'Eoin. Elle craignait la dénégation de celui-ci. Quand elle y pensait, elle était franchement stressée, parce que jusqu'ici, l'idée de concevoir un enfant ne faisait pas partie de ses plans, loin de là. Et plus l'heure avançait, plus elle attendait son retour, et cette angoisse s'amplifiait. Alors, pour se changer les idées, elle se mit aux fourneaux. Ce soir-là, elle avait opté pour des pavés de saumon, avec une sauce qu'elle allait improviser sur le tas, accompagné de riz et de légumes. Et pendant qu'elle retournait le poisson, elle entendit un portable sonné, signalant la réception d'un SMS. Eva reconnut immédiatement qu'il s'agissait du smartphone personnel d'Eoin. Ca lui arrivait de temps en temps, de l'oublier à la maison. Son mari avait toujours été assez d'accord qu'elle regarde s'il y a un appel ou un message, si jamais il s'agit d'urgence. Alors c'était sans gêne et tout à fait normal pour elle d'aller vérifier de quoi il s'agissait. Elle mit ses plats à chauffer au feu doux, se lava les mains, et chercha où le portable était posé. Une fois trouvé, elle déverrouilla le portable. Un SMS d'un Noah. Eva avait vaguement entendu parlé d'un Noah, qui serait associé qui travaillait avec Eoin, mais n'en savait pas plus. Peut-être qu'il avait une question et qu'il ne disposait pas du numéro de téléphone professionnel de son mari, les hypothèses étaient multiples. Un instant, elle hésita à ouvrir le message, mais si c'était urgent, elle l'aurait appelé dans la seconde pour l'en informer. Alors elle lut une première. Elle n'était sûre de bien comprendre, alors elle le relut une seconde fois. Et une troisième fois. Complètement ahurie, elle reposait le portable à l'endroit où elle l'avait trouvé. Elle restait interdite pendant une bonne poignée de minutes, regardant autour d'elle, comme si elle cherchait un point d'ancrage et de se dire que ce n'était qu'elle qui délirait, ou juste un mauvais rêve. Peut-être que c'était les hormones. Elle se sentait soudainement écœurée, nauséeuse Ses mains tremblaient et sa gorge se nouait Eva courrait en direction de la salle de bain, se sentant vraiment mal, mais ça ne venait pas. Alors à la place, elle décidait de se rafraîchir en humidifiant son visage d'eau bien fraîche. Elle s'essuya, et resta un moment dans cette pièce, avant de retourner à la cuisine.

En chemin, elle passait en direction du portable, qu'elle ne quitta pas des yeux. Elle se disait que c'était malsain de lire les autres messages échangés avec ce Noah, mais l'envie de savoir la vérité la rongeait à l'intérieur. Elle se sentait devenir comme une mauvaise personne, celle qui voulait tout savoir. Mais d'un sens, c'était son droit de connaître la réalité, elle n'acceptait juste pas le fait d'avoir accepté de l'avoir découvert de la manière la plus fortuite qui soit. Eva céda à la tentation, et relut les messages qu'elle avait lu plus tôt. Peut-être qu'elle avait mal lu, tout simplement. Mais non, tout ceci est bien réel. Des larmes commençaient à border ses yeux, et ne purent en lire davantage. Elle déposa l'engin, et retourna à sa cuisine, le coeur dans un étau.

Et là, elle entendit la porte d'entrée s'ouvrir. Vite, elle sécha sa petite larme et se moucha, avant de reprendre sa cuisine, comme si de rien n'était. Ou presque.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité



sweet secrets  ♔ pv. EOIN [#S042] Empty
MessageSujet: Re: sweet secrets ♔ pv. EOIN [#S042]   sweet secrets  ♔ pv. EOIN [#S042] EmptyLun 2 Sep - 21:24


Silence. La journée s'était presque déroulée dans le silence le plus complet, dans l'absence la plus totale - non pas parce que personne n'était venu lui parler au bureau, mais plutôt parce qu'il avait inconsciemment cherché à s'éloigner du plus de monde possible, préférant privilégier un travail en solitaire plutôt que de s'aventurer à parlementer avec ses collègues. Silence, un mot qui, dans ses oreilles, avait perdu la plus grande partie de sa valeur et de son sens. Assis devant sa table à dessin, il regardait les plans du futur immeuble qu'il devait dessiner sans vraiment les voir. Le papier blanc avait beau s'étaler sous les yeux, c'était presque comme s'il n'existait pas, comme s'il n'y avait pas ce critérium dans sa main - et comme si lui-même n'était pas assis sur ce tabouret. Les feuilles étaient vides de toute création, absentes de toute imagination. Là où devait plutôt apparaître le futur resplendissant que le cabinet avait promis à un acheteur dont il ne se souvenait même plus du nom, lui n'arrivait qu'à voir le passé qu'il avait piétiné toute une nuit durant - son propre passé, et celui de sa femme, au passage. Une nuit. Voilà tout ce qu'il avait fallu pour faire chavirer sept mois de mariage, pour faire chanceler cinq ans de relation avec la femme qu'il pensait aimer. Qu'est-ce qui avait bien pu lui passer par la tête pour qu'il aille fréquenter le lit de quelqu'un d'autre - celui d'un homme, de surcroit ? Les idées confuses, l'esprit bien trop perturbé par tout ce qui venait d'arriver dans sa vie au cours de ces dernières semaines, il restait figé devant ses actes qu'il ne comprenait plus, ses propres pensées qui lui échappaient maintenant. Depuis ce matin-même, il lui semblait que l'univers s'était mis à tourner dans un autre sens, abandonnant tout ce qui avait constitué jusque-là son quotidien oisif pour le remplacer au pied levé par autant de choix dont il n'était pas le maître. Réveillé difficilement dans un lit qui n'était pas le sien, comment qualifier alors la suite des évènements ? Il n'avait été question que d'une suite de circonstances hasardeuses qui avaient tout de même suffi à le mener jusqu'au cabinet - grâce à la force de l'habitude, probablement. Il n'était passé chez lui qu'en coup de vent, croisant à peine Eva avant de repartir sur la route, trouvant tout de même le temps d'oublier son portable personnel chez lui, sans vraiment le remarquer par la suite. Il n'avait même pas osé la regarder dans les yeux, prétextant maladroitement un retard accompagné d'une migraine pour s'éclipser aussi vite, notant la mine barbouillée de sa femme pour l'oublier aussitôt une fois arrivé dans sa voiture, et l'effacer encore plus installé entre les quatre murs de son bureau. Voilà ce qu'était son quotidien, voilà ce qu'était sa vie. De longues heures au cabinet, un travail qu'il aimait, une femme qu'il retrouvait chaque jour, des animaux dont il prenait soin. Dans cette photographie bien sage et presque trop parfaite, il ne devait y avoir de place pour l'erreur - et pourtant celle-ci s'était fait une place de choix, s'aventurant pernicieusement dans sa routine, dissimulée derrière les quatre lettres d'un prénom qu'il aurait voulu oublier une fois sorti de l'université. Noah, ou le requiem d'un coeur au déclin. Il avait flanché. Misérablement flanché face à cette figure qu'il avait adulé des mois durant, lamentablement écrasé tout ce qu'il avait pu construire avec Eva pour satisfaire des envies qu'il avait toujours cherché à enfouir au plus profond de lui - et tout ça pour quoi ? Tout ça pour une nuit de plaisir sous la plus simple des formes, et quelques heures passées au creux de ses bras. Le jeu n'en valait pas la chandelle. Voilà ce qu'il se disait, voilà ce qu'il tentait de se répéter inlassablement, là où ses pensées l'empêchaient d'y voir plus clair. Culpabilité et franchise n'avaient jamais fait bon ménage et, au creux de son esprit, déjà il se demandait s'il devait mettre sa femme au courant, ou s'il valait mieux qu'il n'en dise rien, et se contente de faire comme si rien de tout cela ne s'était produit. Une erreur, voilà, tout cela n'était qu'une simple erreur - mais une erreur qu'il n'était encore pas capable d'effacer, quand il entendait son coeur battre plus sourdement à la simple pensée d'occulter Noah de son champ de vision. Une bêtise, une aberration, un égarement, comment sauver la tête de celui qui déjà mettait sa tête sur l’échafaud ? Il était impardonnable, impardonnable de se laisser avoir par de tels sentiments déplacés alors que sa vie avait tout pour le rendre heureux - mais heureux, l'était-il vraiment ?

Passant lentement sa main sur son visage, il lâcha doucement son critérium qui roula quelques instants entre les feuilles, s'arrêtant de lui-même alors qu'Eoin enfouissait son visage au creux de ses paumes, tâchant de calmer sa respiration malhabile, essayant d'occulter ses réflexions qui semblaient ne plus connaître de fin, et ne redoubler d'intensité que pour l'enfoncer un peu plus dans ses propres démons. Il n'avait pas le droit de penser ça. Il n'avait pas le droit de se laisser aller à de tels réflexions, d'être en proie à de tels doutes. Il était heureux, et devait arrêter de tout remettre en question coûte que coûte, sinon il ne donnait pas cher de sa peau une fois rentré chez lui. Combien de temps serait-il capable de jouer une mascarade qui ne lui correspondait pas ? Combien de temps pourrait-il prétendre que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ? Un jour, peut-être deux, mais il n'atteindrait pas la semaine, c'était un fait. Il avait beau avoir lamentablement fauté, il connaissait ses faiblesses et ses limites - et mentir correctement n'avait jamais fait partie de ses attributions, bien loin de là. Cachottier, certes, il était loin de devenir le plus forcené des menteurs, et si éviter les sujets qui fâchent faisait partie de ses habitudes, il ne doutait pas que la vérité finirait par refaire surface tôt ou tard - mais sûrement tôt, vu le malin plaisir avec lequel son univers s'amusait à voler en éclats. Noah. Noah. Noah. Est-ce que c'était vraiment sa faute, si l'architecte était tombé dans ses bras ? Non, c'était la sienne. S'il avait dès le départ réinstauré une limite, s'il avait dès le début enfoui tout ce qu'il avait pu pensé, s'il n'avait pas accepté de venir chez lui, s'il n'avait pas autant bu... Mais le monde ne se refaisait pas avec des "si" et, dans cette course à la rédemption, Eoin était loin d'être bien placé. Un seul fautif dans l'histoire, un seul rôle qu'il endossait avec plus ou moins de difficulté - et la gueule de bois qui l'accompagnait depuis des heures déjà était loin d'arranger les choses, bien au contraire. Là sans vraiment l'être, il lui semblait être en mode automatique depuis des heures déjà et, lorsque son portable professionnel sonna, il sursauta presque, son coeur battant à tout rompre alors qu'il cherchait fébrilement l'appareil des yeux. Deux secondes à peine furent suffisantes et, tendant la main, il prit le temps d'expirer longuement avant de décrocher, son regard fatigué se fixant sur un point qui n'existait pas en face de lui, comme si ce maigre subterfuge allait l'aider à se concentrer un peu plus. « Oui ? » Il n'avait même pas pris la peine de lire le nom de son interlocuteur, et se flagella presque mentalement avant que la voix d'un collègue censé être en déplacement dans une succursale retentisse à l'autre bout, les quelques grésillements de la ligne atténuant à peine son accent canadien à trancher au couteau. Il écouta vaguement ce qu'il avait à lui dire, tentant vainement de se concentrer sur ses paroles qui ne faisaient que rentrer par une oreille pour sortir de l'autre, alors que ses réponses ne ressemblaient qu'à une suite de "hm" et de "bien" sans réelle consistance. L'appel ne dura que quelques minutes - et il lui fallut presque autant de temps pour comprendre ce qu'il venait d'entendre. La réunion à laquelle il devait participer en fin de journée venait d'être reportée à une date indéterminée, ce qui le dispensait de rester au bureau pour les quelques heures à venir, ce qui s'apparentait à un bien, vu sa maigre production bien insipide. Sa journée venait de se terminer et, déjà, se profilait à l'horizon le début d'une autre guerre, une de celle qu'il espérait gagner, sans pourtant vraiment porter d'espoir en lui. Enfouissant lassement son portable dans sa sacoche, il rassembla sans réelle conviction ses quelques affaires, supposa que son sac contenait probablement déjà son autre cellulaire personnel et jeta à peine un regard aux immondices sans âme qui jonchaient son plan de travail - et lorsqu'enfin elles apparurent dans son champ de vision, il les envoya voler d'un geste fatigué de la main, préférant les oublier, puisqu'apparemment elles étaient les seules choses qu'il pouvait aujourd'hui effacer.

Le trajet en voiture lui sembla aussi long que court, aussi rapide qu'interminable. Partout les mêmes voitures, partout les mêmes passants, partout les mêmes maisons. Il était sorti rapidement du cabinet, prenant tout de même le soin de saluer ses quelques collègues, ne pouvant s'empêcher de penser qu'ils savaient quelque chose sitôt qu'il croisait leur regard. Ils savaient. C'était évident qu'ils savaient. C'était typiquement le genre d'affaire qui trouvait sa place autour de la machine à café, le genre d'histoire qui alimentait les rumeurs les plus rocambolesques, et dont pourtant tout le monde aimait se nourrir. Peut-être même que c'était inscrit sur son front, qu'ils pouvaient voir ce que lui-même n'arrivait pas à cacher. J'ai couché avec Noah Morrisson - et toutes les conséquences qui en découlaient. Par chance, il n'avait pas croisé le principal intéressé en partant, et ne l'avait d'ailleurs même pas vu de la journée, si l'on omettait la discussion qu'ils avaient eu au réveil, échange verbal dont Eoin se rappelait douloureusement chaque mot. Les mains toujours sur le volant alors que la voiture était maintenant à l'arrêt, il ne pouvait s'empêcher d'y penser, d'y repenser et de retourner le problème dans tous les sens comme si, par miracle, une solution allait lui apparaît d'une seconde à l'autre. Il eut beau espérer, il eut beau chercher, elle n'apparut pourtant pas et, aussi ennuyé qu'il l'avait été depuis son réveil, il finit par lâcher l'objet des mains, les laissant retomber sans force sur ses cuisses, alors que le reste de son corps ne semblait pas vouloir suivre le mouvement. La situation lui échappait. Elle lui avait même échappé depuis quelques temps déjà et, pourtant, il était incapable de sembler pouvoir redresser la barre, restant témoin de la perdition de son propre navire, celui qu'il avait vaillamment construit toutes ces années durant, à la sueur de son front et à la gloire de son père. Pourtant, il était entré cette nuit en collision avec un obstacle qu'il n'avait pas cru bon d'éviter jusque là et, malgré les profondes éraflures offertes par la collision sans faille, malgré tout ce qu'il pouvait en penser, il en avait indéniablement pris un certain plaisir. Il ne détestait pas Noah. Il était même à des lieux de le détester, ou de le haïr - bien au contraire. Il ressentait quelque chose pour lui, comme il l'avait toujours fait. Un attachement profond, une sorte d'admiration naïve qui s'était mue en autre chose aujourd'hui, quelque chose sur lequel il refusait de mettre un nom, de peur d'être lui même surpris par le mot qui en sortirait. A quand bien même ceci restait un problème, il n'était pas le seul qui l'ennuyait présentement et, sortant enfin de son véhicule après de longues secondes d'hésitation, il attrapa sa sacoche et ses clés de maison avant de traverser l'allée qui menait à la porte d'entrée, l'esprit vide et atone. Est-ce qu'Eva était déjà rentrée ? Est-ce qu'elle était quelque part, là, dans leur maison, ou avait-il encore quelque temps devant lui pour penser à une quelconque stratégie d'annonce ? Il ne savait toujours pas réellement s'il vallait mieux lui dire ce qu'il s'était passé ou s'il valait mieux attendre un peu mais son sang ne fit qu'un tour lorsqu'il se rendit compte que la porte d'entrée était déjà déverrouillée. Quoi qu'il puisse en penser, sa femme était déjà rentrée à la maison, et l'étau ne faisait que se resserrer autour de son estomac. La main sur la poignée, il l'ouvrit sans hâte, entrant sans rapidité tout en assortissant sa venue d'un habituel « Eva ? Je suis rentré. » alors que ses clés atterrissaient sur le vide-poche présent à l'entrée. Retirant sa sacoche de son épaule, il retira sa veste, s'étonnant vaguement de ne pas obtenir de réponse à son annonce, alors que Mustard courrait à toute vitesse vers lui, le fêtant comme il se le devait après un jour d'absence. Prenant soin de flâter son cabot préféré, il attrapa son sac à la main et s'aventura alors dans le couloir, supposant qu'elle se trouvait dans la cuisine vu les bruits qui en provenaient. « La réunion avec le comité budgétaire a été repoussé à je ne sais pas quand exactement. Field m'a appelé en catastrophe cet après-midi, il paraît qu'un des investisseurs a eu un accident en se rendant à son bureau. J'espère qu'il ne s'agit de rien de trop grave, sinon je n'imagine même pas la tête du chef de projet quand il apprendra que son bébé risque de passer à la trap- » Le maigre sourire calme qu'il affichait s'effaça lorsqu'il pénétra dans la cuisine, et que ses yeux se posèrent sur la mine déconfite de sa femme. Le regard fuyant, l'oeil humide, il fallait être aveugle pour ne pas voir que quelque chose clochait et, plus que sa culpabilité toujours présente, c'est l'inquiétude du jeune mari qui prit le dessus, et les quelques pas qui le séparaient d'Eva furent bien vite franchis, alors que ses sourcils se fronçaient tristement. « Eva...? » Un murmure, une douce ritournelle cachée au creux de ce prénom qu'il avait répété un nombre incalculable de fois pendant tant d'années. Ralentissant progressivement sa marche, il s'arrêta auprès d'elle, laissant ses yeux parcourir son profil fin qui s'offrait maintenant à lui. Une fois, deux fois, ils glissèrent sur les courbes de son visage, n'en oubliant pas une parcelle, avant d'enfin une de ses mains se lève vers elle, et effleure cette peau qui semblait avoir accueilli quelques larmes. « Qu'est-ce qui se passe, dis-moi ? » Une question, rien que quelques mots clamées à la douceur de sa voix, perdus dans l'immensité de sa cuisine. Pour presque plus, il en oublia ce qui jusque là l'agitait, ce qui jusque là l'avait obnubilé pendant toute une journée - pour presque plus, il n'osa imaginer qu'il était en fait la raison de ses larmes.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité



sweet secrets  ♔ pv. EOIN [#S042] Empty
MessageSujet: Re: sweet secrets ♔ pv. EOIN [#S042]   sweet secrets  ♔ pv. EOIN [#S042] EmptyMer 4 Sep - 15:07

La porte venait juste de claquer derrière lui, et il affirma sa présence. Eva n'osa même pas lui répondre, trop inondée dans des pensées qui, de temps en temps, lui faisaient perdre la raison. Chaque idée, chaque émotion se basculait dans sa tête, et Eva tentait, tant bien que mal, d'y mettre un peu d'ordres. Ce qui lui était impossible. Deux nouvelles venaient de lui tomber sur elle, une aspirant au bonheur, mais qui déteignait aussitôt lorsque l'on songeait à la deuxième. Son cher et tendre, comme à son habitude, se mit alors à raconter les derniers potins du bureau. Elle s'en était toujours intéressée, mais ce soir-là, elle n'avait plus d'oreilles pour entendre, ni d'yeux pour voir. Son discours était bien là, elle en percevait bien chaque mot, mais il lui était presque impossible de les remettre dans un ordre dans lequel elle pourrait donner un sens aux phrases. Elle avait même oublié que normalement, ce soir-là, il avait une réunion et devait rentrer nettement plus tard. Et ce fut là que ces quelques phrases prirent un sens. Un mot unique lui vint droit au coeur, laissant celui-ci s'exciter et taper contre toutes les parois de sa poitrine. Sa gorge se serrait, l'envie de verser à nouveau quelques larmes était bien là, et Eva tentait tant bien que mal de les contenir. Bébé. Oui, elle attendait bien un bébé. Par moment, elle oubliait presque cette nouvelle, qu'elle se devait de lui dire. Mais après ce qu'elle avait pu lire, et ce qu'elle avait pu comprendre, l'idée d'attendre un enfant lui laissait un goût bien amer dans la bouche. Son mari s'approchait à grand pas, et interrompit son discours soudainement. Il l'avait vu. Il avait vu que ça n'allait pas. Il fallait l'admettre aussi : Eva était une très mauvaise menteuse, et avait bien du mal à cacher ses sentiments lorsque ceux-ci la dominaient largement. Ou peut-être était-ce Eoin qui la connaissait bien, et qui devinait bien lorsque quelque chose la tracassait. Il ne s'agissait pas d'un simple fracas. Le silence était déjà bien lourd dans la pièce, malgré le crissement incessant du saumon qui grillait dans la poêle, mais on ne l'entendait plus.

Eva n'entendait plus rien. Pour elle, la pièce entière était vide et dépourvue de couleur, étant seule confrontée à son mari. Son mari. Son cher et tendre. Elle ne bougeait pas d'un pouce lorsque celui s'approchait d'elle. Lorsqu'il prononça son prénom, son sang semblait se geler et elle se trouvait complètement pétrifiée par l'effroi. Elle-même ne pouvait décrire exactement la raison de sa peur, bien qu'elle le savait déjà. Une sorte déni s'installait en elle pour faire face à une réalité qui allait être très dur à entendre et à accepter. La jeune femme restait figée dans ses pensées, ne sachant comment aborder le sujet, surtout devant toute la tendresse qu'il avait utilisé pour prononcer son prénom. Des milliers de questions se bousculaient et criaient dans sa tête, sa curiosité s'attisant de seconde en seconde. Qui était Noah ? Qu'ont-ils fait la nuit dernière ? L'aimait-il lui ? L'aimait-il elle ? L'a-t-il aimé au moins une fois dans sa vie ? Que valait-elle à ses yeux réellement ? Y'a-t-il d'autres secrets ? Devrait-elle vraiment lui dire qu'elle attendait un enfant ? ... Et ainsi de suite, dans un éternel siphon qui n'en devenait que plus fort en avançant dans le temps. Alors que la valse des mots se perpétuaient dans son être, un contact, un toucher doux et délicat la fit alors sortir de cet enfer qu'elle ne parvenait plus à supporter.

La main d'Eoin. Eva avait toujours aimé ses mains. D'une grande sensibilité, une douceur, une attention si particulière. Elle fermait les yeux quelques instants, savourant ce moment comme si c'était le dernier d'une relation qu'elle pensait stable, mais qui au final, jouait au funambule, suspendu sur un fil, perdant au fil des années toute notion d'équilibre. Elle aurait pu éloigner son visage de lui, reculer de cinq pas, ou même le fuir, mais Eva n'en fit rien. A la fois apeurée par ce qui l'attendait, et d'un autre côté, la curiosité la rongeait doucement. Il posait alors une question. Si le souci ne concernait pas la ruine de leur couple, Eva se serait certainement blottie contre lui, cherchant un réconfort certain et une chaleur qui la rassurait. Elle prenait de longues minutes de réflexion. Par quel sujet commencer ? L'enfant, ou l'amant ? Plus ou moins consciemment, elle apporta sa main sur son venter, avec lenteur, et fit de même avant de la retirer. Jamais elle n'aurait pensé se trouver dans une situation aussi délicate. Les minutes semblaient si longues, et Eva n'osait même pas le regarder. Elle savait que si ses yeux croisaient les siens, elle allait se mettre à sangloter. Tentant de faire un tri dans ses idées et ses innombrables questions, elle cherchait un moyen d'amorcer le sujet le plus doucement possible idéalement, bien que l'envie ne manquait de lui lancer tout ceci en pleine figure et qu'il trouve un moyen de se justifier. Beaucoup de personnes trouveraient ridicule, et bien faible de sa part, mais Eva l'aimait. Un mot dont certains se moquent ouvertement à force de déceptions, un mot que certains maudissent, d'autres lui crachent dessus sans regrets. Elle aurait toutes les raisons du monde pour en faire de même. Mais il s'agissait d'Eoin. Et même si elle n'était fautive en rien, elle ne voulait pas l'énerver, ni le décevoir, réalisant que certainement, c'était elle qui serait confronter à ces deux émotions. Totalement alarmée et désemparée par la situation, d'une voix hésitante mais qui ne cherchait pas à se cacher, elle dit " Je te jure que c'était pas intentionnel. Je sais que ta mère n'est pas au meilleur de sa forme en ce moment, alors ton téléphone a sonné, et je me suis dit qu'il lui était peut-être arrivé quelque chose, ou je sais pas ...." Sa voix s'étouffait dans des sanglots qui commençaient clairement à se faire entendre. Elle plaça la main devant sa bouche, ses sourcils dessinant une tristesse sans pareil, et fixait alors son téléphone portable. Le maudit, le haï.   et je n'aurai jamais du le regarder songea-t-elle alors. Sur le moment, Eva aurait préféré être dans l'ignorance. Elle renifla, essuyant rapidement ses larmes, et soupira profondément. Il n'était plus question de se justifier du comment elle avait pu lire ce SMS. Ses intentions n'étaient vraiment pas de fouiner partout dans ses effets personnels, car elle lui avait toujours octroyé une confiance quasi aveugle. Après cinq ou six inspirations, elle se calmait à nouveau, laissant peser un moment de silence qui était interminable. Alors, d'une voix douce mais attristée, Eva posa la première question qui lui venait en tête. " Qui est-il, Eoin ?" Là, enfin, elle osait le regarder, se confronter à lui. Elle n'était pas sûre d'être prête à entendre tout ce qu'il pouvait raconter, elle ne se sentait pas prête de lui dire qu'ils allaient être parents dans moins de neuf mois. Tout était arrivé si vite, un aléa de la vie dont elle se serait bien passée. Se remémorant le texto envoyé sur le portable de son mari, elle songeait déjà aux pires choses qu'ils soient. Le mot "divorce raisonnait dans sa tête, dans un écho qui n'en finissait pas et qui rendrait tout bon sain d'esprit. Elle se voyait déjà abandonnée. Un moment même, elle pensait à une interruption volontaire de grossesse. Ce n'était pas une bonne décision, songea-t-elle, mais en cet instant, elle eut l'égoïste idée que tout le malheur du monde se trouvait sur ses épaules devenues bien fragiles. Elle répétait sa phrase "Qui est Noah ?". Elle aurait pu aborder le sujet de manière différente, elle aurait pu l'interpréter de par elle-même, lui mettre le message devant ses yeux et claquer la porte. Elle aurait lui faire vivre les pires choses qui soient, elle aurait pu lui pardonner instantanément. Un éventail de choix était disponible, tous les scénarios étaient envisageables. Mais en cet instant, tout ce dont elle voulait était de comprendre. Comprendre pourquoi.

Le temps semblait s'être suspendu, en attente d'un mot, d'un soupir, pour qu'il puisse reprendre sa cadence habituelle. Leur si belle demeure parut progressivement moins lumineuse, moins aspirante à une vie de famille. Eva se demandait un moment si elle n'avait pas trop rêvé la vie qu'elle était en train de mener. Bien sûr, il y avait toujours des aléas, des petites tensions dans le couple, mais cela finissait toujours pas se résoudre, et tout bon psychologue ou conseiller conjugal dirait qu'il est normal que cela s'embrouille de temps à autre. Elle n'avait jamais pu se plaindre de quoi que ce soit, et faisait tout ce dont elle était capable pour que tout se passe bien. Il était donc compréhensible que faire face à ce désenchantement total était difficile à accepter. Qu'ai-je pu faire de mal ? se demandait-elle continuellement, attendant la réponse d'Eon. Une phrase, un moment, une expression, elle n'en attendait pas plus. Jusqu'à ce qu'elle ose enfin poser cette question courte et simple, Eva n'osait pas le regarder, mais une fois qu'elle s'était lancée, ses yeux noisette le fixaient, exprimant à la fois une détresse qui attendait d'être apaisée, une déception qui voulait être controversée, une tristesse qui désirait être tant consolée. Bien qu'elle espérait effacer ces émotions infernales, au fond, Eva savait que la flamme qui avait maintenant leur couple jusqu'ici était en train de mourir par un vent glacial. Elle se demandait même si elle n'avait jamais été allumée.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité



sweet secrets  ♔ pv. EOIN [#S042] Empty
MessageSujet: Re: sweet secrets ♔ pv. EOIN [#S042]   sweet secrets  ♔ pv. EOIN [#S042] EmptyMar 10 Sep - 16:15


Il n'y avait plus aucun bruit autour de lui. Le miaulement fatigué des chats lui paraissait bien loi, de même que les pattes de Mustard rebondissant sur le carrelage trop propre du rez-de-chaussée. Aucune trace d'une vie à l'extérieur de leur maison, pas même le souffle du vent s'engouffrant par une fenêtre malencontreusement laissée entrouverte. Il n'y avait plus rien, si ce n'était sa respiration hasardeuse, calquée sur celle meurtrie de sa femme. Accroché au rythme de ses battements de coeur qu'il pouvait deviner avec une facilité presque déconcertante, il se laissait aller à l'observer, son doigt ne quittant pas la douceur de sa peau, qui jamais ne méritait d'être encombrée par de telles larmes, à moins qu'il ne s'agisse de larmes de bonheur. Pourtant, il n'était pas dupe, et à moins d'avoir été aveugle, il s'en rendait aisément compte - il n'y avait aucune trace d'un quelconque bonheur dans ces perles humides qui continuaient à couler légèrement. Les sourcils tristement froncés, il se contentait de l'observer, se rendant compte que, même malgré cette émotion dont il ne connaissait l'existence, Eva était et resterait à jamais l'une des plus jolies femmes qui lui ait été de rencontrer. Elle possédait cette beauté simple, naturelle au point de sublimer chacun de ses traits, comme si le temps ne pouvait que l'embellir année après année, comme si rien n'était capable de la grimer. Une peau claire, de longs cheveux châtains, faisant écho à des yeux noisette aussi rieurs que perçant - combien d'hommes auraient tué pour être à sa place ? Rien que dans son entreprise, il pouvait en décompter au moins trois, peut-être même quatre s'il prenait en compte le stagiaire arrivé le mois dernier. Eva était de ces belles femmes qu'on ne remarquait pas toujours au premier regard, et qui pourtant laisser un souvenir impérissable dans l'esprit de ceux qui avaient la chance de la côtoyer. Sincère, enjouée, une personne au coeur riche et à la bonté presque rare. Naïvement, Eoin avait toujours été quelque part impressionné par la générosité sans condition qui animait ce petit bout de femme. Comme si elle ne vivait que pour rendre les gens autour d'elle plus heureux, à la manière d'un éclat de soleil, elle rayonnait, de jour comme de nuit, et chacun de ses sourires valait bien la plus triste des peines de coeur. Aujourd'hui, pourtant, son rayon de soleil ne brillait plus, dissimulé derrière un chagrin qu'il ne désirait qu'effacer, quitte à en méconnaître les raisons. Le coeur était un organe traître, capable de suggérer les pires ignominies en l'honneur d'un organe bafoué. Est-ce qu'il s'agissait de cela ? Est-ce quelqu'un avait osé piétiner le précieux coeur de sa femme ? Quelque part, sa propre question fit écho dans son esprit, et son organe vital rata un battement. S'il ne souhaitait y croire, l'idée pernicieuse selon laquelle il ne pouvait être que le coupable de cette tragédie commença à s'insinuer doucement dans ses veines, sans qu'il n'en ait pourtant réellement conscience. Après tout, le monde était loin de tourner autour de son humble personne et, si par malheur il était l'un des principaux acteurs de ce désastre, il était loin de vouloir en clamer les responsabilités sans savoir précisément de quoi il en retirait, de peur d'être celui qui briserait le miroir de son monde parfait, probablement. Aussi, il préférait demeurer silencieux, incapable de s'éloigner de sa tendre, incapable d'ajouter autre chose, incapable même de respirer trop fort et de froisser cet instant qui semblait ne pas avoir de réelle existence dans le cour du temps. Peut-être qu'ils n'étaient pas là. Peut-être que tout ceci n'était qu'une image, le reflet des risques qu'il encourait s'il donnait une suite à l'erreur qu'il avait commise. Peut-être qu'il s'était assoupi, au bureau, et que tout ceci n'était qu'un rêve, voilà, une sorte de mise en garde, offerte gracieusement par un quelconque ange gardien. En son fort intérieur, il aurait aimé y croire, il aurait aimé pouvoir se dire que tout ceci n'était pas réel - mais si rien de tout cela n'était réel, cela revenait à dire que ces années passées ne l'étaient pas non plus, et que sa vie entière n'était qu'une bien piètre mascarade. Déglutissant distraitement, il remarqua à peine la main d'Eva glisser dans l'air, pour frôler trop doucement ce ventre qui n'était plus si anodin qu'il l'avait été. Aurait-il pu y voir un signe précis s'il en avait eu conscience ? Dans d'autres circonstances, le geste ne lui aurait probablement échappé et, l'anxiété aidant, il lui aurait probablement demandé d'emblée la raison de ce mouvement précis, mais les circonstances étaient loin d'être habituelles, et son esprit loin d'être reposé ou même éveillé. Il ne dormait pas, il cauchemardait. Il n'était pas assoupi, mais pas non plus réveillé. Plus les secondes passaient, plus elles s'étiraient en minutes désagréables, et plus elles laissaient se déverser au fond de sa gorge un liquide amer dont il tentait vainement de faire abstraction. Comme si un étau se refermait lentement mais sûrement autour de lui, il était incapable de ne serait-ce que penser à rebrousser chemin, et à s'éloigner d'Eva. Elle prenait le temps. Elle semblait réfléchir, mettre de l'ordre dans ses pensées, peser chacun de ses mots comme à la recherche de la meilleure formulation possible. Le pire était sûrement arrivé. Dans son esprit, tout ce qui pouvait être étiqueté comme "grave" passa en revue devant ses yeux, allant du malaise au travail jusqu'à la mort d'un de ses parents. Non, si ça avait été le cas, Eva aurait été plus effondrée, plus touchée au point de s'échouer entre ses bras, tout sauf rester cette statue de glace qu'il avait devant les yeux. L'attente commençait à revêtir des allures de douce torture et, s'il n'en disait mot, Eoin pouvait sentir son estomac se contracter fébrilement au creux de son ventre. Quelque chose n'allait pas. Quelque chose n'allait décidément pas. Qu'il s'agissait de lui, de Noah, des voisins qui agissaient comme les pires des crétins, des factures qui avaient doublé le mois dernier, au fond, il se mettait à s'en contreficher, désireux d'obtenir une réponse à son inquiétude qui ne faisait qu'aller en grandissant. Enfin, la voix d'Eva s'éleva dans l'air, à l'image du visage qu'elle affichait, hésitante et blessée. « Je te jure que c'était pas intentionnel. Je sais que ta mère n'est pas au meilleur de sa forme en ce moment, alors ton téléphone a sonné, et je me suis dit qu'il lui était peut-être arrivé quelque chose, ou je sais pas .... » Instinctivement, ses yeux se posèrent sur l'engin dont elle venait de parler, le fameux téléphone qu'il pensait jusque là avoir au fond de son sac, et qu'il n'aurait jamais pensé découvrir sur le plan de travail. Un déclic se fit dans son esprit, et il se rendit compte qu'il s'était trompé - il remarquait enfin le léger bruit qu'il n'avait jusque là pas encore remarqué, un bruissement dont son esprit s'était accommodé, et qu'il pouvait enfin s'expliquer. Son univers était en train d'imploser, et sa vie parfaite de se déchirer devant ses yeux.

La scène lui apparaisait enfin telle qu'elle était - neutre, froide, trop froide. Le silence était tout à coup imbuvable,perdant de sa substance alors que chacun des infimes bruits qui pouvaient survenir autour d'eux prenait des allures rocambolesques. Le grésillement du saumon dans la poele, le titc-tac de l'horloge du salon, les friffes des chats contre le grattoir, la pate de Mustard qui claquait dans son panier alors qu'il se grattait - tout, jusqu'à sa propre respiration semblait s'incruster dans son esprit, pour lui rappeler brutalement qu'aussi petite soit-elle, aucune erreur ne reste jamais impunie. Silencieux, il hésita une seconde avant de laisser retomber sa main, presque pris du désir d'envoyer voler ce téléphone de malheur, sans pour autant esquisser un geste en sa direction. Il n'était pas de ceux qu'on pouvait appeler 'les violents', et ne l'avait même jamais été. Préférant la discussion à un grand coup de poing, il avait toujours tenté de résoudre chacun de ces conflits par une voie beaucoup plus diplomate, et physiquement moins dangereuse. Pourtant, devant ses yeux, le cellulaire prenait des allures de bête à exterminer, de monstre à tuer et, s'il avait suffit de le jeter pour effacer l'erreur qu'il avait commise, il l'aurait probablement fait, ne serait-ce que pour atténuer cette culpabilité qui l'empêchait brusuqement de respirer. Eoin savait. Il savait ce qui allait suivre, et ce qu'il ne pourrait jamais empêcher. Une parole en entraînant une autre, il n'était pas difficile de deviner maintenant la raison du tracas de sa femme et, s'il ignorait ce qu'elle avait pu lire sur son portable, il lui était capable de prédire la nature de la question qui allait suivre. « Qui est-il, Eoin ? » Et ainsi débutaient les questions qui blessent, celles qui assènent des coups impossibles à soigner, et des blessures impossibles à panser. Tristement, il aurait finalement préféré qu'elle n'en sache rien, pas maintenant du moins. Qu'elle lui laisse le temps de régler ce problème, qu'il trouve le temps d'amener suffisamment bien la chose, et qu'il vienne lui en parler, tout simplement. Mais les choses étaient loin d'être simples, et le temps commençait à lui manquer dorénavant. Il baissa les yeux. Piteusement, incapable de se défaire de cette mauvaise habitude, les baissa l'espace d'une seconde, avant de relever la tête, les lèvres pincées. Eva avait arrêté de pleurer, elle avait ravalé ses sanglots, avec une force qu'il ne lui connaissait que trop peu, ou peut-être trop bien. Des deux, à ce moment bien précis, c'était bien elle la plus forte des deux, malgré les pleurs qu'elle avait laisser s'échapper sur son visage fin. Elle pouvait se vanter d'attraper le taureau par les cornes, pas comme lui, qui n'avait même pas su régler une 'simple' affaire de coucherie en temps et en heure. Regard interdit et pourtant quelque part toujours flegmatique, il croisa sans peine celui de sa femme, qui le fixait d'un air qu'il ne parvenait à décrire vraiment. Elle attendait des réponses, qu'il dissipe ses angoisses, qu'il offre des mots en échange de sa question - de ses questions. Car s'il y en avait eu une, il voyait déjà l'ombre d'une deuxième se profiler à l'horizon, voire même la silhouette d'une troisième, même si elle n'était pas réellement nécessaire. Il n'avait pas besoin de précision pour savoir de qui elle parlait et, en se concentrant presque, il pouvait commencer à sentir la fine lame de sa culpabilité frotter contre son cou, prête à s'abattre au moindre écart de sa part. Ce 'il', cette personne dont le nom ne devait franchir ses fines lèvres ne pouvait être que... que quoi au juste ? Que ces quelques battements de coeur ratés, que ce soupir intimement mêlé au sien, que cette nuit passé dans d'autres draps, que ces quelques heures passées loin de tout. Noah. Il aurait préféré qu'elle n'ait jamais à le prononcer, que ces deux mondes n'entrent jamais en collision - qu'il n'ait jamais fait cet écart de conduite ? Le passé n'était pas une toile où il était possible de revenir, c'était-ce que pour réparer un point raté. Les erreurs faisaient à jamais partie de notre vie, au même titre que les joies ou les déceptions. Noah était tout ça à la fois, et c'est ce simple état de fait qui le rendait encore plus mal qu'il ne l'était. Eva ne méritait pas tout ce qui était en train d'arriver. Elle ne méritait pas qu'on l'a trompe, ni qu'on la fasse pleurer. De toutes les pensées qu'il pouvait avoir, c'était celle qui ressortait le plus, celle qui brûlait le plus dans ses veines. Il l'avait blessée. Il avait trahi sa confiance. Il avait ruiné en une nuit tout ce qu'ils avaient pu construire en tant d'années... Qui était-il pour agir de la sorte ? Une monstre, de la pire espèce - un homme, parmi tant d'autres.  Et enfin le triste, enfin cette précision dont il n'avait besoin, ces quatre lettres qu'elle n'aurait jamais du connaître. Son regard vrillé au sien, il ne baissait les yeux, ni se surprenait à respirer trop vite. Une question, juste une, pour concrétiser leur univers qui volait en éclats. « Qui est Noah ? »

Il aurait pu mentir. Lui dire que quoi qu'elle ait pu lire, il s'agissait probablement d'un message envoyé à la mauvaise personne, il aurait pu lui inventer le plus beau des bobards, assorti de son plus beau sourire - intérieurement, il était à peu près sûr qu'Eva y aurait cru, qu'importe ce qu'il lui aurait dit. Il aurait pu, oui, mais il en était incapable. Tout ce qu'il lui disait, toutes ces paroles qu'il lui murmurait étaient sincères, du moins l'avait-il toujours pensé. Qui était Noah ? Une question simple, et si compliquée à la fois. Un ami, un collègue, une connaissance fraîchement retrouvée, quelque chose de plus ? Il y avait tant à dire, et si peu à la fois. Au milieu de ça, il ne savait plus vraiment où donner de la tête, enfermé dans un rôle qui subitement ne lui correspondait plus tant que ça. Il voulait partir. Il voulait oublier. N'importe quoi, tout sauf rester encore ici, à s'enfermer dans une discussion qu'il ne voulait pas avoir, à tirer les ficelles d'un futur qu'il ne voulait pas risquer. S'échapper ? Il n'en était pas question, plus question depuis qu'Eva avait rouvert la bouche. Ses yeux ne le quittaient plus, le rendant incapable de battre en retraite. Dans sa tête, il n'y avait plus rien, plus rien de bon à tirer, plus rien de précis à récupérer. Tout était mélangé, trop mélangé pour qu'il puisse trier cette multitudes d'images et de remarques qui s'entassaient, s'imbriquaient au point d'en devenir incompréhensibles. Sans réellement se rendre compte de ses gestes, il passa le bout de sa langue sur ses lèvres, humectant cette chair qui s’asséchait doucement, fronçant les sourcils tout en réfléchissant. Le temps était long, trop long, et plus il passait, plus les mots semblaient avoir du mal à franchir la barrière de ses lèvres - même si la scène se déroulait bien trop rapidement dans son esprit. « C'est... » Un mot, bon, mauvais, en tout cas une point de départ à ce qu'il devait dire. Ses yeux toujours posés sur Eva, il lui semblait presque jouer une scène, s'attendant à recevoir d'ici quelques temps les ovations du public pour ce drame si poignant, imaginant un public prostré dans l'ombre qui ne le rendait que plus mal à l'aise qu'il ne « C'est un collègue, avec qui je travaille en ce moment sur le projet Emerson, dont...dont je t'ai déjà parlé. On s'est connus.. à l'université, c'était un de mes seniors, on s'est perdus de vue, et on s'est retrouvés par hasard au détour de ce projet. » Du reste, tout ce qu'il disait demeurait vrai, il omettait simplement quelques détails qu'elle n'avait pas besoin de connaître pour le moment, et qu'il n'assumait pas pour la plupart. Cependant, il avait conscience que sa réponse demeurait bien bancale, trop faible par rapport à ce qu'il y avait à en dire. L'envie d'attraper son téléphone pour lire ce fameux message le démangeait, mais le courage de tendre sa main n'y était pas. Alors il demeurait quelque peu figé devant elle, sa main passant distraitement dans sa nuque, sans qu'il puisse l'en empêchait. Elle méritait mieux. Mieux que ces quelques mots. Peut-être mieux que lui. Mieux que cette vie qui aurait du être parfaite. Mieux que cette vie qu'il avait sans le vouloir arraché de ses doigts fins. Des excuses, il ne pouvait pas vraiment en trouver, il ne savait s'il était capable de les chercher. Il regrettait son geste, assurément - mais d'un autre côté... d'un autre côté, il ne pouvait s'empêcher d'y repenser. Etait-ce donc ça, la malédiction de l'adultère ? Se retrouver enchaîner à une tierce personne sans pour autant parvenir à s'en défaire, se détester au point de revouloir plonger dans ce pécher qui n'aurait pas du être commis... Le fruit défendu, voilà ce que c'était. Mais malgré tous ses efforts, Eoin y avait goûté, et il était trop tard pour tout oublier. Tourner en rond ne ferait jamais avancer les choses et, s'il redoutait plus que tout la réaction d'Eva, il ne voulait pas passer pour un menteur en plus d'un homme tout juste bon à tromper sa femme. Il l'avait blessée, oui, mais ne voulait pas continuer à tenir cette épée qui lui avait été enfoncée dans le coeur. « Ce message... ce que tu as lu, qu'est-ce que... qu'est-ce qu'il disait ? » Cette question, c'était ce qu'il avait pu trouver de mieux à dire, dans ce dédale incertain qui l'étouffait. A quoi bon donner des raisons à l'aveugle ? Il aurait pu tout lui avouer, certes, lui donner tous les détails sur un plateau d'argent, mais il ne s'en sentait pas la force, pas alors qu'il ne savait même pas ce qu'il ressentait pour cet homme. Un comble, probablement, mais il n'en était plus à ça près. De sa nuque, sa main descendit jusqu'à son bras, et il le serra doucement alors que sa voix s'élevait de nouveau dans l'air, douce, trop douce compte tenu du mal qui avait déjà été causé. « J'imagine à peine ce que tu peux ressentir mais... Crois-moi, Eva, je suis désolé. Sincèrement désolé... » De te faire pleurer, d'être la source de tous tes maux. Qu'importe ce qui arrive, frappe moi, hurle moi dessus, fais tout ce que tu veux - rien ne serait trop fort pour compenser les larmes que tu as versées.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité



sweet secrets  ♔ pv. EOIN [#S042] Empty
MessageSujet: Re: sweet secrets ♔ pv. EOIN [#S042]   sweet secrets  ♔ pv. EOIN [#S042] EmptyMar 10 Sep - 19:50

Eva se souvenait encore. Quelques jours avant le mariage, son père souhait lui parler entre quatre yeux. Il avait toujours été plus méfiant, plus prudent que sa femme, ou sa fille, et ne désirait que le meilleur pour ces dernières. Eoin est un homme bien, lui avait-il dit, dans ce monde de fortunés, il n'y en a pas que des biens. Mais toi, tu as trouvé le bon. Il te rend heureuse depuis le début, et je ne peux qu'espérer que ça soit ainsi jusqu'au restant de tes jours. Ces mots l'avaient touché, et touchaient encore le coeur de la jeune femme. Elle savait qu'elle n'avait pas à se plaindre, et n'y songeait même pas. A entendre certains de ses collègues se plaindre de conjoints frivoles et sans complexe, et elle s'avouait chanceuse.  Elle avait tout ce dont elle avait besoin, de ce que l'on pouvait attendre d'un époux. Et Eoin assurait dans son rôle, bien au delà de ce que certains psychologues appelleraient le minimum syndicale. Il s'était toujours montré attentif, à l'écoute, d'une tendresse et d'une délicatesse bien loin de ce que l'on pourrait imaginer. Eva donnait aussi tout son possible pour qu'il soit comblé, pour qu'il ait un ressenti de retour. Parfois même, elle se donnait du mal, allant contre son gré. Le sujet le plus évident étant évidemment le fait d'avoir un enfant. Un désir bien ancré, mais Eoin refusait systématique, et elle se soumettait à son choix. Bien sûr qu'elle en avait déjà parler à ses parents, et avec ses beaux-parents lorsque ceux-ci l'invitait pour déjeuner chez eux. Un sujet de conversation qui avait toujours irrité Eoin, alors Eva n'insistait pas, et tentait d'apaiser l'ambiance. Elle l'aimait, c'était tout. Que fallait-il dire de plus ?

A cet instant, ce fut au tour d'Eoin de parler, de tout avouer. Eva avait réussi à poser deux questions. Similaires, certes, mais il y avait au moins des moins compréhensibles et dans le bon ordre qui étaient sortis de sa bouche, bien qu'elle fusse perturbée par la scène qu'elle vivait à ce moment là. Elle sentait ses jambes se ramollir, et tremblaient comme une feuille morte. Elle connaissait la réponse. Elle savait de quoi il s'agissait. Et le silence pesant ne faisait que confirmer ses suppositions. Mais elle espérait, bien au fond d'elle, qu'elle ne se faisait que des idées, que c'était une erreur de compréhension. Enfin, le voile se levait. Il aurait pu tout nier, il aurait pu lui mentir. Eva se doutait que répondre à ce type de questions tout en sachant l'impact causé par leurs réponses sera des plus cruels. Mais au moins, le néant qui régnait dans la maison se faisait plus petit quand la voix d'Eoin résonnait dans la cuisine. Hésitant, c'était normal. Et lorsqu'il expliquait qui était ce Noah, qui était cet homme qui s'était si aisément mêlé dans leur vie de couple, Eva resta figée. Elle qui espérait que cela n'était pas vrai, que ce n'était qu'un vulgaire quiproquo. Mais non. Les phrases ne venaient, la femme enceinte ne savait pas quoi, trop abasourdie pour faire quoi que ce soit.  Elle hoqueta, et quitta le regard de son époux, qui lui aussi, semblait bien désemparé. Peut-être aurait-il voulu aborder la chose de manière plus délicate. Peut-être qu'il voulait qu'elle ne sache jamais cette vérité dure à entendre. « Ce message... ce que tu as lu, qu'est-ce que... qu'est-ce qu'il disait ? » Elle sentait les larmes monter à nouveau. Eva comprenait plus ou moins le fait qu'Eoin n'aille pas le découvrir lui-même, la gêne aurait été horrible. Par automatisme, elle tendait le bras pour récupérer l'engin infernal, lisant machinalement le message "Ce qui s'est passé hier, ce n'était pas une erreur. Je sais qu'on n'en a pas parlé ce matin alors appelle moi si tu veux qu'on en reparle." Eva marqua un très lourd moment de pause, avalant sa salive à deux fois avant de lire la dernière phrase. Son ton était proche du murmure, comme si elle voulait qu'il n'entende ce morceau de message. "Je ne regrette pas du tout cette nuit." Et elle jeta le portable, pas de manière agressive, mais assez brutalement. Un peu comme si le téléphone allait lui transmettre la peste ou le choléra. Ce n'était en aucun cas intentionnel, Eva ne voulait pas se montrer mauvaise non plus, bien qu'elle serait largement pardonnée en vue des circonstances. A peine eut-elle fini son geste, Eva prit une profonde inspiration, bruyante, annonçant clairement un éclat de sanglots. Mais sur le moment, les larmes de venaient pas. Il n'y avait plus du lueur dans ses yeux, juste une profonde détresse. Elle avait l'impression de suffoquer, de se noyer dans des abysses n'attendant qu'à l'engloutir et à la déposséder de tout âme, de tout amour. Ses yeux noisette regardaient droit devant elle, mais ne voyaient rien. Une de ses mains se posa au niveau de son sternum, trouvant enfin la force d'expirer, et en parallèle, de nouvelles larmes envahir ses joues.  Elle s'éloigna un peu d'Eoin, fit quelques pas espérant trouver un point d'ancrage, une main, quelque chose sur lequel elle pouvait s'appuyer, un repère qui lui permettrait de retrouver le nord et le sud. Mais il n'y avait plus rien autour d'elle. Il n'y avait plus personne. Et le petit être qui grandissait en elle ne faisait que subir tout le malheur harcelant sa mère.

Bien qu'elle lui tournait le dos, bien qu'elle était totalement effondrée et sûrement inconsolable, Eva entendait les excuses d'Eoin. Elle entendait son malaise. Évidemment, elle lui en voulait, évidemment, elle ne se serait jamais attendue à ça, venant de lui. Mais d'autres vinrent naître dans son esprit, se demandant, si finalement, ce n'était pas sa faute à elle. Peut-être qu'elle avait fait quelque chose de mal, qui lui aurait déplu. Peut-être qu'il aurait fait ça par vengeance. Sa crainte de décevoir la hantait souvent, surtout pour ce qui concernait son mari. Une peur constante de faire un pas de travers. Elle avait beau être franche, Eva n'aimait pas piétiner les choses, insister, ou blesser quelqu'un en étant trop directe. Ses sentiments étaient déchirées, partagées en deux, et elle ne savait lequel mettre en avant. Pas réellement. Elle se retourna, et, au milieu de son océan de larmes, elle commençait à demander "Qu...Qu'est-ce que j'ai fait de mal ? Y'a-t-il quelque chose que j'ai fait de travers ?" Une foule de questions envahissaient sa tête, et vu que le sujet. "Et comment tu t'es retrouvé avec lui ? Tu ne voulais pas me dire que tu avais des tendances ..." Eva se sentit soudainement nauséeuse, l'estomac noué. Elle eut un bref vertige, et se mit dos à lui pour aller en direction du lavabo. Le terme d'homosexuel ne lui posait aucun problème, elle n'avait aucun soucis avec les personnes ayant d'autres attirances sexuelles. Elle essuya les larmes d'une joue et les quelques gouttes de sueur qui perlait sur son front. Sa main se glissa dans ses cheveux pour les remettre en arrière, et restait dos à Eoin pendant quelques minutes qui lui semblaient interminables.  En se retournant, ses yeux s'aventurèrent dans ceux d'Eoin. Des yeux verts dans lesquels elle avait toujours adorer se plonger. Elle ne pouvait se lasser de les regarder tout en lui caressant du bout de ses doigts un visage qu'elle arborait de baisers dès qu'elle le pouvait. Mais cette fois-ci, Eva avait une très légère impression d'avoir un inconnu en face d'elle. Une sensation de déjà-vu parce qu'elle connaissait son visage, sa voix, sa douceur, mais elle avait la sensation qu'il y avait une grande partie de l'homme qu'elle aimait dont elle ne soupçonnait même pas l'existence. D'une voix tremblotante, et avec des sourcils courbés par l'accablement, elle demanda "M'as-tu jamais aimée, Eoin ?". Cette question lui faisait mal. Jamais elle n'aurait songé à la lui demander auparavant, mais il a suffi de quelques mots sur un portable pour qu'elle remette tout en doute. Une avalanche de questions demeuraient dans sa tête, n'attendant que d'avoir des réponses. Celles-ci allaient douloureuses, elles allaient être destructrices, mais le besoin de savoir régnait en maître. Eva se sentait devenir pâle - son gynécologue l'avait bien prévenu -, et espérait que le malaise allait vite passer, car elle avait en cet instant, d'autres plaies à guérir. Et dans des pleurs qui se voulaient plus croissants, elle répétait sa question "M'as-tu jamais aimée ?" Une question qui ne devrait jamais être posée après autant d'années passées l'un avec l'autre. Même si elle ne voulait pas en entendre davantage, ses yeux suppliaient Eoin d'être franc envers elle.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité



sweet secrets  ♔ pv. EOIN [#S042] Empty
MessageSujet: Re: sweet secrets ♔ pv. EOIN [#S042]   sweet secrets  ♔ pv. EOIN [#S042] EmptyMer 9 Oct - 19:40


La scène prenait de plus en plus des allures de cauchemar duquel il n'arrivait à s'extraire. Dans ses mauvais rêves d'enfants, ses monstres, ses détracteurs avaient des allures invraisemblablent, êtres sans réelle consistance faits de ténèbres et de tout ce qu'il pouvait y avoir de nocif dans ce monde. Si survivre à leurs côtés pendant plusieurs heures s'était toujours révélé être une torture en soit, il était néanmons chaque jour heureux de se réveiller, car il savait qu'il en était débarassé pour un moment et que, peut-être, il serait assez fort le soir même pour s'en débarasser définitivement. Son courage n'avait au final d'égal que son espoir et, chaque soir, il s'était couché avec l'intime conviction d'être celui qui vaincrait ses propres cauchemars, à défaut de pouvoir se réveiller lorsqu'il le souhaitait. Aujourd'hui pourtant, dans cette cuisine propre qui sentait bon le saumon préparé avec amour, il n'y avait ni créature trop sombre, ni même de part d'obscurité laissant place à une imagination fertile et innocente. A vrai dire, le seul monstre dans cette pièce, c'était lui - et le simple fait de se le signifier suffisait à lui donner un coup dans l'estomac. Il n'avait aucune chance de se réveiller de ce mauvais trépas, aucune chance d'ouvrir les yeux sur un plafond sombre, et d'oublier la scène déchirante qui était en train de se jouer devant lui. Pas de mauvais marchand de sable, mais aucune chance de rédemption non plus. Les monstres sont bien réels, ils vivent à l'intérieur de nous. Jamais la citation de King ne lui avait semblé aussi juste et pertinente qu'à ce moment précis. Il n'était pas aussi parfait qu'il l'aurait voulu. Il n'était pas aussi assuré qu'il l'avait souhaité. Il n'était pas aussi blanc qu'il l'avait pensé. Sa silhouette craquelée par une multitude de failles laissait entrevoir une noirceur qu'il avait toujours tentée de contenir et d'oublier, mais qui se déversait à présent sur tout ce qu'il avait un jour aimé. Il se sentait coupable, furieusement coupable, et d'autant plus piégé qu'il était on ne peut plus conscient de la gravité des choses. Son univers implosait. Son mariage, sa petite vie bien rangée, sa relation privilégiée avec Eva, tout était en train de se réduire en cendres devant ses yeux et le seul à avoir allumer ce brasier impossible à éteindre, c'était bel et bien lui. Briquet grillé, mèche trop vite allumée, combien de secondes avant que tout cela n'explose et ne vole en éclats ? Sûrement bien trop peu. Une, deux, peut-être trois. Le couperet se rapprocherait à grand pas, et le voile se baisserait enfin devant ses yeux qui ne voulaient pas en voir autant. Peut-être enfin serait-il tranquille, peut-être enfin goûterait-il à un repos bien mérité loin de tous ces problèmes - oui, mais le méritait-il vraiment ? Le oui se mêlait au non, le non s'entremêlait au oui, et l'un ne semblait pouvoir se dissocier dans son esprit, tant et si bien qu'il tentait d'omettre la moindre des questions auxquelles il pouvait encore penser, dans l'espoir vain de sauver ce qu'il lui restait de viable. Eva était anéantie en face de lui, bien qu'anéantie ne soit finalement pas le meilleur adjectif qu'il pouvait choisir pour la décrire. Anéantie, elle le serait dans peu de temps, il n'en doutait pas, il savait à peu près de quelle façon elle réagissait dans la plupart des cas. Présentement, elle paraissait plutôt tétanisée, figée dans une horreur dont la cause était on ne peut plus compréhensible et inexcusable. Il l'avait blessée. Il avait piétiné la confiance qu'elle lui portait, avait arraché en une nuit tout ce qu'ils avaient pu construire en bien plus d'années. Le pardon était-il encore envisageable ? Il l'ignorait et, cruellement, préférait ne pas poser la question, pas maintenant, pas comme ça, alors qu'il tenait encore entre ses doigts les vestiges de toute une vie qu'ils avaient tenté de construire tous les deux. Sa question en avait entraîné une autre et, dans cette spirale infernale sans but et sans fond, ils se ronvoyaient la balle, s'interrogeaient et souffraient des lames qui se plantaient dans chacun de leur coeur, derrière chacun de leurs battements. Des choses étaient dites, d'autres tues, d'autres bien trop facilement devinées - Eva détenait des informations que son mari aurait préféré détenir avant elle, mais c'était encore lui qui demeurait maître de toute cette souffrance froide et verbale. Ils auraient pu crier, se hurler dessus à plein poumons, s'envoyer assiettes et couverts et mettre fin à toute cette horreur dans un bain de sang et de larmes - ou alors était-ce cela, la prochaine étape ? Peut-être les choses auraient-elles étaient plus simples si Eva avait crié. Peut-être son choix aurait-il été plus simple si elle l'avait mis dehors en hurlant. Mais, plutôt que de s'égosiller sur un sujet qu'elle ne parvenait à réellement saisir, elle souhaitait comprendre. Comprendre ce qu'il s'était passé, comprendre ce qu'Eoin avait fait - comprendre ce que lui-même n'arrivait à comprendre. Il ne pouvait plus voir ses yeux, ni ne pouvait interroger son regard à présent. Le visage tourné vers rien d'autre que leur présent morcelé, elle tendit la main pour attraper l'instrument de malheur et, enfin, lut à haute voix les quelques mots qui s'y trouvaient, ceux qui avaient concrétisé et sublimé l'erreur qu'il avait commise. « "Ce qui s'est passé hier, ce n'était pas une erreur. Je sais qu'on n'en a pas parlé ce matin alors appelle moi si tu veux qu'on en reparle." » Ces mots n'étaient pas les siens. Ces mots, c'étaient ceux de Noah, ceux de cet homme à qui il n'avait pas réussi à renoncer, ceux de cet avec lequel il avait passé la nuit. Sortis des lèvres d'Eva, ils prenaient une saveur toute autre et, si jusque là la scène semblait issue d'une mauvaise pièce de théâtre, maintenant elle revêtissait des allures surréalistes, et perdait tout ce qui pouvait la ratâcher à un monde qu'il comprenait. C'était hors-norme. Horrible. Affreux. Incompréhensible. Inhumain. Un silence lourd marquait chacun des mots qu'elle empruntait au message, comme si quelque part elle refusait d'admettre ce qu'elle lisait, comme si elle refusait d'en être la méssagère. Elle n'avait pas à subir ça, personne n'avait à subir pareil rôle. A sa place, Eoin ignorait même la façon dont il aurait réagi. Est-ce que, comme elle, il aurait pris sur lui pour tenter d'oublier sa colère et sa souffrance ? Est-ce que comme elle, il aurait été jusqu'à souffler ces mots terribles ? Le silence pesa de nouveau dans la pièce. Une seconde. Et puis une autre. Les yeux rivés sur l'écran, Eva attendait. Elle déglutissait, cherchait un temps qu'elle ne possédait pas. Son murmure glissa de nouveau de ses lèvres, trop vite ébranlé par une émotion qu'elle contenait assez mal. « "Je ne regrette pas du tout cette nuit." » Comme pour contrebalancer ses dires, le téléphone vola dans l'air, coulant contre le plan de travail pour aller gentiment s'écraser contre le mur. Le mouvement fut assez vif pour qu'Eoin le suive des yeux, et qu'il demeure encore un moment à fixer tristement l'engin, non pas parce qu'il se sentait désolé de la voir effectuer un tel geste, mais plutôt parce qu'il n'arrivait à savoir comment réagir à présent. Ses émotions elles-même étaient contradictoire. La souffrance avait beau déjà se mêler avec la culpabilité, voilà qu'il sentait à présent couler en lui les flots dociles d'un sentiment sur lequel il ne parvenait à poser le mot exact. Du contentement, peut-être. Une estime délicate pour ces mots qui le touchaient pourtant. Il ne répondit rien. Parce qu'il n'y avait rien à répondre. Du reste, peut-être qu'il n'y avait plus rien à dire non plus. Etaient-il arrivés au terme de leur vie commune ? Est-ce que ce message sonnait la fin de leur union pourtant si idyllique aux yeux de n'importe qui ? Eoin n'en savait rien. Il aurait préféré prétende le contraire, asséner haut et fort que tout ceci était un malentendu, et que tout pouvait encore être sauvé. Mais l'était-il vraiment ? Il déglutit, toujours silencieux, happé par les mots qu'il venait d'apprendre autant que par la réaction somme toute assez légitime de sa femme. Les larmes coulèrent de nouveau, et le silence retrouva l'horreur profonde dans laquelle il semblait se plaire à les envelopper. Ni le plic-ploc du robinet neuf, ni les ronronnements des chats dans le salon n'arrivaient à percer ce mutisme invivable et, l'espace du seconde, Eoin eut l'impression de redevenir sourd, et de n'être de nouveau plus qu'une statue privée de toute réaction.Lorsque, enfin, il esquissa un pas en direction d'Eva, celle-ci se détourna de lui, sans même plus le voir. Alors il resta où il était, là, debout au milieu de cette cuisine, à poser les yeux sur cette silhouette qui se découpait devant lui et, seulement aujourd'hui, comprit à quel point elle était fragile, en dépit que l'impression qu'elle en donnait. Dans d'autres circonstances, il aurait avancé à pas feutrés vers elle, pour envelopper ses fines épaules dans ses bras, et aurait déposé quelques baisers dans son cou, doucement, comme à son habitude. Il aurait senti son sang battre contre sa peau, son rire aurait résonné finement dans ses oreilles, et l'esprit de la brune aurait été protégé de toutes ces horreurs. Pourtant, il se retrouvait incapable de faire un ps de plus sur le carrelage, et la seule peau qu'il pouvait sentir sous ses paumes n'était autre que celle de ses bras. Repliés aléatoirement contre son torse, ils donnaient l'impression d'une armure à moitié détruite, comme s'il ne cherchait même plus à se protéger. Il se sentait vidé. Vidé de toute émotion qui aurait pu le pousser à réagir plus violemment, ou en tout cas plus vivement. De la colère, il n'en avait pas ressentie - de la trahison, peut-être, pour se découvrir aussi piégé en l'espace de quelques secondes. Le reste était futile, bien trop parsemé pour être précisément défini. Naïvement, tout ce qui pouvait l'inquiéter à présent, était l'état de sa femme qui semblait empirer plutôt que s'arranger avec le temps - non pas parce qu'il avait peur pour lui, mais plutôt pour elle.

Son visage se tourna enfin vers lui, brouillé de larmes et d'une tristesse qu'il sonda comme infinie. Elle ne s'en remettait pas, ne s'en remettrait peut-être jamais, finalement. Qui était-il pour juger de son affliction ? Son coeur se serra, douloureusement, brûla sourdement au fond de sa poitrine sans parvenir à se dégager de ce brasier funeste. Il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même. Déjà, les conséquences de ses actes lui apparaissaient de plus en plus claires et, à mesure que les images se faisaient plus nettes dans son esprit, il redoutait l'orage qui se préparait devant ses yeux, incomparable avec le désarroi qui agitait Eva. Tout ne s'arrêterait pas là. Qu'ils restent ensemble ou qu'ils se séparent -le mot sonna profondément creux à ses oreilles-, il y aurait les racontars, il y aurait les fuites, tous les jugements que pourraient lui porter leurs amis et pire, sa famille. Au fond, la douleur d'avoir trahi Eva venait de réveiller celle d'avoir, indirectement peut-être, déçu ses parents, et tout l'espoir qu'avait pu porter son père en lui. Que penserait-il de lui, lorsqu'il apprendrait que son fils avait saccagé son mariage en couchant avec un homme ? Il voyait déjà son visage mû par une rage indicible, sa veine s'agiter au rythme de sa colère grandissante, et sa voix, brisée par de telles révélations. Son fils n'était pas l'homme qu'il croyait. Il n'était pas celui que tout le monde croyait qu'il était. Un menteur, voilà ce qu'il était - doublé d'un cachottier et d'un trompeur de la pire espèce. Il avait tout, tout pour être heureux, mais n'avait pu s'empêcher d'aller voir ailleurs. Pour quelle raison exactement ? Il ne le savait pas lui-même. Et, lorsqu'Eva lui posa la question, il demeura muet, interdit devant son propre manque de réponses. « Qu...Qu'est-ce que j'ai fait de mal ? Y'a-t-il quelque chose que j'ai fait de travers ? » Rien. Ce n'était pas elle qui agissait de travers, mais plutôt lui qui allait de travers. Même dans le pire des moments, elle cherchait encore à en assumer la faute, comme si, inconsciemment ou non, elle voulait chercher à excuser la conduite de son mari - peut-être pour tenter de sauver tout de même leur barque personnelle qui prenait doucement l'eau. Etait-ce pour ça qu'il avait cherché la compagnie d'une autre paire de bras ? Est-ce qu'Eva l'avait déçu, ces derniers temps ? La réponse était non, assurément. Elle n'avait rien à se reprocher, elle n'avait jamais vraiment fait de mauvaises émules dans leur vie de couple - si l'on mettait de côté le sujet sensible qui avait pourtant percé quelques fois. Ses sourcils tristement froncés, il se laissa à la regarder, un soupir désolé glissant faiblement de son nez, sans réelle conviction. « Eva... » Il eut l'impression de ne pas avoir prononcé son prénom depuis une éternité, tant il paraissait tout à coup profondément brisé. La chaleur envolée ne laissait plus la place qu'à une insidieuse détresse, quand bien même l'espace entre ne faisait que paraître de plus en plus grand, comme si leurs coeurs s'éloignaient de plus en plus sans réellement s'en apercevoir. Il eut à peine le temps d'en dire plus que la brune reprit la parole, ses questions coulant maladroitement de ses lèvres humides de larmes. « Et comment tu t'es retrouvé avec lui ? Tu ne voulais pas me dire que tu avais des tendances ... » Elle n'eut pas besoin d'aller jusqu'au bout de sa phrase pour qu'Eoin devine le terme qui faisait défaut. Homosexuelles. Un mot qu'il ne s'avouait pas clairement mais qui, passé ainsi sous silence, le blessait plus qu'il ne l'aurait pensé. Eva s'était brutalement retournée. Lui tournant le dos, elle était penchée au dessus du lavabos, retenant avec une difficulté certaine une nausée qui semblait lui secouer l'estomac. Pour l'architecte qui ne comprenait pas vraiment la raison d'une telle réaction, le lien était vite fait, un peu trop peut-être, et il ne pouvait y avoir qu'une seule origine à sa nausée, une origine qui l'anéantissait, quelque part. « ... Est-ce que je te dégoûte à ce point ? » La question était sortie d'elle-même, presque doucement dans le silence brouillé de pleurs. Comme une supplique, comme une ritournelle douloureuse, il en redoutait la réponse, autant qu'il avait redouté d'en venir à de pareilles conclusions. On aurait pu croire au murmure du vent si la fenêtre avait été ouverte - mais elle était close, résolument close sur leurs vérités qui éclataient seconde après seconde. Dans un sens, il n'était pas réellement surpris d'inspirer un tel sentiment à la femme qu'il avait blessée, mais sa réaction lui paraissait simplement comme disproportionnée, inexacte, un peu trop vive sûrement. Passant une main sur son propre visage, il tourna la tête, jetant un coup d'oeil inintéressé à la cuisine froide qui les entourait encore. Les murs clairs avaient beau resplendir, baignés par la lumière du soleil qui commençait sa lente descente dans le ciel, il n'en éprouvait aucun plaisir, aucun réel attrait. Les murs étaient fades, le carrelage également, et tous les éléments de la maison semblaient pointer un doigt accusateur vers lui. « ... Je... » Sa voix eut du mal à percer le mutisme de leur maison, comme s'il n'osait pas vraiment prendre la parole, comme s'il n'osait réellement assumer le rôle ingrat qui était pourtant le sien. Plissant les lèvres, il recroisa ses bras sur sa poitrine, avant de les déserrer aussitôt, le malaise ne s'atténuant pas, bien au contraire. Tout dans cette pièce l'étouffait. Les meubles, le sol, le plafond - même l'espace l'étouffait. Il soupira, reprit sa respiration, et recommença maladroitement le même schéma deux ou trois fois, avant d'enfin être capable de parler de nouveau. « ... Je ne sais pas comment c'est arrivé. Cette soirée, ce qu'il s'est passé... Tu peux ne pas me croire si tu le désires, mais je ne l'avais pas prévu du tout. Je n'ai jamais eu.... Je n'avais pas pensé que les choses iraient... aussi loin. C'est arrivé, comme ça et... et j'en suis désolé... » Sa voix était basse, éraillée, peu assurée, contrastant assez avec l'attitude calme mais juste qu'il affichait en temps normal. Il ne savait pas où il en était dans toute cette histoire, et cette vérité se faisait cruellement ressentir. Déglutissant amèrement, son visage se retourna en direction d'Eva, et le regard qu'il croisa le figea. Comment pouvait-elle encore être capable de plonger ses yeux dans les siens, alors que tout ce qui s'y reflétait s'apparentait à de la tristesse et une profonde détresse ? Elle possédait au fond d'elle une force qu'il n'avait pas, et qu'il n'avait probablement jamais eue. Même derrière ce torrent de larmes, même derrière ses sourcils tristement froncés et ses joues ruisselantes, il pouvait la voir, et son chagrin ne la faisait que rayonner de plus belle. « Je suis désolé, Eva... » Sans quitter son visage des yeux, il suivit le trajet rapide de quelques unes de ses larmes, s'aventurant à faire un pas lent en sa direction, au risque de la voir fuir et s'éloigner de nouveau de lui. Lentement, posément, il avança, juste l'espace d'un pas, juste pour grignoter un peu cet univers qui les séparait. « M'as-tu jamais aimée, Eoin ? » La question le désarçonna, à tel point qu'il s'arrêta sur le champ, écarquillant instinctivement les paupières. Comme un coup porté en plein coeur, comme une lame lancée à vive allure dans sa direction. Il n'y avait ni trace d'humour dans la voix d'Eva, ni le moindre soupçon de plaisanterie tout court. Elle était on ne peut plus sérieuse, et cela ne faisait qu'intensifier la douleur qu'il ressentit. Les pleurs de sa femme redoublèrent d'intensité, cognant toujours plus contre les murs de la cuisine, comme pour s'y greffer définitivement. Elle avait mal, terriblement mal et, à côté d'elle, Eoin demeurait presque trop calme. On lui avait quelques fois reproché de ne pas avoir le sang assez chaud, et d'être un peu du côté des conceptuels et des réfléchis. Devait-il s'énerver ? Devait-il au contraire implorer son pardon, se jeter à ses pieds et lutter de tout son être pour effacer cette entaille de sa vie ? Tout cela lui paraissait presque exagéré mais, en même temps, il ignorait quelle était la conduite qu'il devait adopter, si tant est qu'il existât une "bonne" conduite à avoir dans ce genre de situation. « M'as-tu jamais aimée ? » Deuxième couteau lancé en sa direction. Elle attendait des réponses. Elle voulait des réponses. Jamais il ne s'était attendu à entendre de tels mots sortir de ses lèvres douces. Il l'aimait, elle n'avait pas à en douter. Tout ceci, toute cette grande histoire, cet écart de conduite, c'était une erreur, une bête erreur, mais ils parviendraient à s'en remettre et à repartir du bon pied tous les deux, n'est-ce pas ? .... N'est-ce pas ? S'il voulait y croire, les mots, eux, ne parvenaient à sortir de sa bouche. Bloqués au fond de sa gorge, ils se faisaient de plus en plus lourds, refusant obstinément de se perdre dans l'air, et de perpétrer ces paroles qui s'apparentaient à un mensonge inconscient. Ses sourcils se froncèrent tristement, son visage perdit de son éclat et, brièvement, il mesura le poids du silence qui s'était définitivement entre eux. La confiance d'Eva à son égard s'était définitivement brisée, pour qu'elle en vienne à lui poser des questions pareilles. De loin, elles étaient ce qui le blessait le plus. Il n'avait jamais voulu en arriver là, il n'avait jamais cherché à la heurter de la sorte. Tout ce qu'il avait voulu... tout ce qu'il avait souhaité... Ce n'était plus que du vent, éparpillé aux quatre coins de la Terre, inaccessible à présent. Ses épaules s'affaissèrent, ses sourcils, toujours tristement froncés, surmontaient deux yeux qui diffusaient plus la moindre lueur d'allégresse à présent. « Je t'aime, Eva... » Etrangement, sa voix sonnait toujours comme une supplique, peu avouée mais néanmoins toujours aussi peu assurée. Comme s'il doutait de ses propres paroles, comme si une partie de lui n'y croyait pas réellement, il ne parvenait à y mettre toute son énergie, et ses mots demeuraient chuchotés à demi-voix. Il soutint son regard, refit un pas vers elle, toujours aussi doucement. Que pouvait-il faire d'autre de toute façon ? « Je t'aime, et je ne t'aurais pas épousée si ce n'était pas le cas. Je n'ai pas voulu te blesser autant, je n'ai pas souhaité que toutes ces choses arrivent, crois-moi. Ce qui est arrivé... C'était une erreur, une bête erreur, je ne sais pas comment ni pourquoi c'est arrivé, mais c'est arrivé, et je suis conscient du mal que ça a causé. » Inconsciemment, il cherchait presque à s'excuser lui-même. Comme s'il n'était pas réellement fautif dans ce chaos, comme s'il n'était pas celui qui avait tiré sur la corde, mais plutôt celui qui s'était laissé entraîné. Il n'y était pour rien, après tout. N'était-ce pas Noah qui l'avait cherché le premier, avec ses gentils sourires et ses belles paroles ? En souvenir du bon vieux temps, Eoin l'avait bêtement suivi, s'en chercher à s'en méfier, sans chercher à démêler le pourquoi du comment, sans même vouloir faire taire les battement sourds de son coeur - probablement un avertissement, maintenant qu'il y pensait. Au lieu de ça, il avait suivi le mouvement et, lorsqu'il s'en était rendu compte, il avait été trop tard pour faire marche arrière, et tout avait été brisé. Posté à quelques pas d'Eva, il sembla avoir récupéré un peu de sa flamme, l'espace de quelques secondes. Comme s'il se battait pour une cause perdue, comme si les dernières lueurs d'espoir lui offraient les restes d'un courage dont il manquait cruellement. « Comment peux-tu douter de moi à ce point là ? Je n'ai pas voulu en arriver là, c'est juste que... » Et il se tût. Juste que quoi ? Juste qu'il avait trébuché en chemin, et qu'il s'était laissé tomber sur le mauvais côté de la route, sans vraiment chercher à s'en éloigner.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité



sweet secrets  ♔ pv. EOIN [#S042] Empty
MessageSujet: Re: sweet secrets ♔ pv. EOIN [#S042]   sweet secrets  ♔ pv. EOIN [#S042] EmptyVen 11 Oct - 16:12

On enviait leur couple. On l'avait toujours envié. A un tel point qu'il y avait une pression qui s'installait, et que, dans la logique  des choses, tout devait être bien fait. Un pas de travers, une erreur inattendue, et les critiques s'envolaient, appliquant à la lettre l'effet boule de neige. Eva n'avait jamais aimé le fait de devoir être un modèle pour tous, parce qu'elle ne pensait pas être un véritable exemple. On ne pouvait bien sûr pas reprocher ce qu'elle éprouvait pour Eoin. Son cher Eoin. Beaucoup de femmes disaient que l'amour d'un homme ne durait qu'un jour, qu'une semaine, qu'un mois - chanceuse était celle qui était aimée au delà d'une année. Et après, les sentiments s'étouffaient , et les regards se détournaient. Toujours est-il qu'une grande partie des psychologues disent que rester en couple n'est que par simple convention, les sentiments et l'excitation se ridant par le temps et les mœurs. La jeune femme avait toujours été fleur bleue, et bien qu'elle fusse très cartésienne, elle croyait franchement en ce sentiment qui était si joliment écrit par tant d'auteurs. Elle n'en avait jamais compris le sens, jusqu'à ce qu'elle rencontre Eoin, et que son coeur s'emballe. Et depuis, elle n'avait jamais ressenti une diminution, une faille dans leur relation. Son amour pour lui était presque inconditionnel, avec un profond respect pour lui qui lui forçait à ne jamais le décevoir. Elle n'avait jamais aimé le voir les sourcils froncés, les traits de son visage crispés et contrariés, de crainte qu'elle ait fait un faux pas. Certains diraient que c'est maladif, d'autres trouveraient ça romantique à l'extrême. Mais Eva se fichait complètement de l'opinion des autres. Elle n'était pas soumise à  Eoin, mais  nous pouvons dire qu'il avait une sacrée influence sur sa femme, sans qu'il ne le veuille vraiment. Et cette obsession de ne pas le contrarier, de ne pas aller contre son courant, était l'explication de sa franche hésitation de lui annoncer qu'elle était enceinte. Aborder le sujet était tellement rare et tendu, qu'au final, elle ne savait que dire.
Un moment, une idée ignoble lui traversait l'esprit. Vu l'état actuel des choses, elle envisageait même de ne rien dire, de mentir et de cacher son désir le plus cher jusqu'à avoir l'opportunité de le détruire. Si cela pouvait sauver leur couple, elle le ferait. Mais l'instinct maternel avait déjà planté sa graine en elle, et la suppliait de ne pas commettre un tel acte. Elle se surprit à déjà aimer si fort un si petit bout de chair. Et c'était l'enfant d'Eoin. C'était l'enfant d'Eoin avant tout.

Elle avait pensé que ses nausées la trahirait, dévoilant une vérité pour elle qui était plus que voyante. Mais ce symptôme désagréable était apparu au mauvais moment. Non. Bien sûr que non. Elle n'avait rien contre les homosexuels, loin de là. Il y en avait une sacrée pair au boulot, et la consultante s'entendait très bien avec eux. Et Eoin le savait. C'était juste que l'instant était très mal choisi. A cette question directe, tout aussi blessante pour elle que pour elle, et qui en jetait un coup à l'estime de chacun. Eva hochait timidement la tête, de manière négative. "Tu sais très bien que non" disait-elle d'une voix douce malgré la situation, malgré ses pleurs qu'elle essayait de dissimuler pour quelques secondes. L'homosexualité n'était pas le soucis. Comment réagir après des années et des années de vie commune, une vie qui s'était bien construite, brique par brique ? Mais la jeune femme n'avait peut-être pas assez regardé toutes ces briques, parce que l'une d'entre elles était bancale, en train de se briser. Comment devait-elle réagir exactement, en tant qu'épouse, que femme, face à une telle situation ? Il n'y avait pas de bouquins ou de guides pratiques à ce sujet. Non, on n'en parlait jamais. Son tentait de prendre la parole, d'avoir un minimum de répondant. Et bien qu'elle savait que cela allait être blessant, que leur si joli maison n'allait devenir qu'un immense tas de ruines, elle éprouvait ce besoin de savoir.  Elle ne lui demandait pas de mentir pour lui faire plaisir, bien qu'un "je t'aime" aurait été si doux pour ses oreilles, et qu'un de ses baisers apaiseraient bien des maux, mais si c'était pour le voir s'autodétruire en se cachant derrière une vie qu'il ne désirait pas, alors non. Non, il ne devait pas mentir. Lui d'abord, quoi qu'il advienne. Et après un silence étouffant, la voix d'Eoin résonnait enfin dans la pièce. C'en était presque rassurant. Bien que les mots qui furent dits étaient rudes et poignardants, il fallait qu'elle les entende. Les larmes coulèrent et parlèrent d'elle-même. Elle le regardait, elle l'écoutait, et voulait se montrer forte malgré tout ce qu'elle était en train d'endurer. Bien que devant ses yeux, Eva voyait une partie de sa vie s'effondrer devant elle. L'odeur du saumon devint aigre pour elle, sa texture la dégoutait. Soudainement, elle n'aimait plus les couleurs des murs, ni l'agencement de la cuisine. Elle ne s'y sentait plus chez elle. Elle ne reconnaissait plus les meubles qu'ils avaient pourtant choisi, les tableaux qu'on leur avait offert pour le mariage non plus. Elle était comme au milieu de nulle part, dans un milieu qui lui semblait ne plus être le sien.

Bien que sa question était blessante, elle se devait la poser. Elle remettait tout en doute soudainement. Eva se voyait comme une marionnette, le masque parfait pour cacher quelque chose qu'Eoin ne voulait pas admettre. Il s'était approché d'elle, mais elle n'avait pas bougé. Un mélange de sentiment de peur qui expliquait ses bras tremblotant, avec une envie certaine de se blottir dans ses bras. Mais cette question, si simple à poser, si dure à entendre, l'avait choqué. Mais son allure restait des plus calmes, cela la déstabilisait.  Eva souffrait terriblement. Elle remontait en question l'amour qu'Eoin pouvait avoir pour elle, et c'est là le comportement d'un véritable monstre. Mais son besoin de l'entendre se faisait grandissant, et plus la réponse approchait, plus elle se demandait quel serait l'avenir du bébé. Aura-t-il jamais un père, ou une mère ? Et la question était de trouver un moyen de le lui dire. Mais elle avait peur, peur de le perdre. Peur de voir son regard habituellement si doux et bienveillant devenir dégoûté et outré de ce qui se présentait devant lui. Il ne voulait pas d'enfants. Eva se remémorait chacune des discussions sur ce sujet, et laissait encore un goût amer dans sa bouche. Encore quelque chose qu'elle avait mal fait, même si elle n'y pouvait franchement rien. Je t'aime. Il l'avait dit. Cela lui semblait une éternité qu'il ne lui avait pas dit cette phrase, et son coeur se souleva. Oui, elle l'aimait bien. Bien sur qu'elle l'aimait. Beaucoup lui dirait de l'envoyer ailleurs, de mettre un terme à leur relation. Bien qu'Eva était saine d'esprit, son amour pour restait sans conditions. Et sur ces quelques mots si simples, mais si puissants, la jeune femme s'effondra en sanglots de plus belle. Ca la détruisait mais la rassurait en même temps. Elle ne savait qu'en penser. Eoin ne tarda pas à répéter ces mots, s'excusant comme il le pouvait. Que devait-elle dire ? Comment devrait-elle se comporter ? S'il avait idée de ce qu'elle avait à lui dire, il ne s'était certainement rapproché autant d'elle. C'était du moins ce qu'Eva pensait. Elle se voyait comme un monstre maintenant, pour ne pas lui dire qu'elle portait son bébé. Mais elle était encore tellement hébétée par ces récents évènements, qu'elle ne savait même plus comment aborder le sujet. Ses yeux noisette le fixait continuellement. Oui, il y avait encore de la tristesse, oui une grosse déception, une illusion qui tombait à l'eau. Peut-être que sa confiance pour lui était brisé, mais le sentiment était toujours là. Elle préférait se rejeter la faute, elle ne voulait pas le blâmer, mais c'était tellement dur. Eva restait silencieuse, jusqu'à qu'il reprenne la parole. Une question qui la faisait culpabiliser plus qu'autre chose, le regardant avec un air profondément et très sincèrement désolé.

Il n'arrivait pas à finir sa phrase, et, juste à ce moment là, Eva posait avec la plus grande délicatesse sa main sur la joue de son époux. Ses mains étaient toujours froides, quelques petits soucis de circulations bien connus chez les femmes, et elle savait que leur contact n'était pas des plus agréables. Mais à l'instant là, elle s'en fichait. Son geste était quasi spontané, elle avait une éternelle tendresse à lui donner, qu'importait la situation, même les plus extrêmes. Elle ne dit pas un mot, et ses yeux encore bien humides scrutaient chaque trait de son visage. Son pouce vint alors se glisser sur les lèvres d'Eoin, les caressant avec douceur. Comme si cet instant précis était le dernier de leur vie de couple. Ces jours lui manquaient déjà. Bien qu'elle n'avait aucune envie que cela finisse, elle voyait le bout, elle le sentait. Et Eva craignait franchement que son secret n'anéantisse franchement tout. Sa main tremblait plus que tout, et elle avait quelques vertiges. Mais son état de santé -mis à part le fait qu'elle soit enceinte- était bien le cadet de ses soucis. Elle avait envie de l'embrasser, ça la démangeait, et elle se retenait comme elle le pouvait.  Elle voulait lui dire qu'elle l'aimait, parce qu'elle le pensait toujours, profondément, mais les mots ne venaient pas. Et la frayeur d'avoir marché de travers, d'avoir fait une faute, ne faisait que s'accentuer. Figée par la peur et l'embarras de la situation, elle ne savait pas quoi faire.

Alors quand elle touchait sa peau, elle retrouvait une chaleur qu'elle connaissait tellement bien, qu'elle aimait tellement sentir contre elle. Pourtant, à cet instant, il lui semblait que celle-ci n'était plus sienne. Elle avait été touchée par les mains d'un autre homme, elle avait même embrasé ce dernier. Et Eva comprenait. Elle comprenait ce qu'était la jalousie, de ne pas tolérer que quelqu'un d'autre qu'elle ait pu le toucher de la sorte. Le mot colère prenait alors tout son sens, mais elle ne l'exprimait pas. Tandis que sa main caressait tendrement la joue d'Eoin, de nouvelles larmes vinrent se verser sur ses joues pâles. Elle hoqueta, et dit à voix basse, désespérée "Qu'est-ce que nous sommes sensé faire ?" Ses yeux, noyés par les pleurs, disait clairement qu'elle l'aimait toujours oui, mais l'idée qu'il ait pu offrir de la douceur et un plaisir certain à quelqu'un la mutilait. Ses sourcils se fronçaient de plus en plus tristement, cherchant avec désespoir une réponse dans les yeux de son mari. Le ton légèrement plus fort " Qu'est-ce qu'on est sensé faire ?" répéta-t-elle. Oui, là, il était encore question du "on", du "nous". Parce qu'à cet instant, elle ne pouvait accepter une séparation possible. Eva ôta sa main de sa joue, et s'éloigna un peu de lui, elle avait la sensation de manquer d'air, trop prise par les émotions. Et elle répétait encore une fois sa question, d'une voix bien plus forte, presque criante, mais ce n'était pas agressif. "Qu'est-ce qu'on doit faire, Eoin ?" Ses yeux le regardait, et dans une colère et jalousie grimpante, elle pointa le doigt sur elle-même, et demanda, hurlant désespérément " Qu'est-ce que je suis sensée faire alors que je suis enceinte ?"  Ses sanglots ne faisaient que s'accentuer, et elle avait parfaitement conscience qu'elle venait de balancer une véritable bombe. Mais au moins, c'était dit. Elle en avait assez des secrets, des cachoteries, et ne voulait pas qu'Eoin découvre cette nouvelle -qu'il allait très certainement mal prendre- , de la même façon qu'elle ait découvert son adultère. Eva n'osait plus rien dire, elle craignait que son mari ne jette toute sa colère sur elle. Peut-être même qu'il le savait déjà. Peut-être que c'était pour ça qu'il était allé voir ailleurs, Eva n'en savait rien. La simple idée la terrorisait.
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé




sweet secrets  ♔ pv. EOIN [#S042] Empty
MessageSujet: Re: sweet secrets ♔ pv. EOIN [#S042]   sweet secrets  ♔ pv. EOIN [#S042] Empty

Revenir en haut Aller en bas
 

sweet secrets ♔ pv. EOIN [#S042]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

 Sujets similaires

-
» † a woman's heart is a deep ocean of secrets.
» IVY&JAY + Home sweet home

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
 :: HAVE YOU SEEN MY GHOST? :: RP PEACEFUL PLACE-