Luke avait dû annuler son rendez-vous à 16h30 avec son psychiatre – ce qui n'était pas pour lui déplaire – pour pouvoir rejoindre le jeune photographe au café du coin. C'était la première fois, depuis qu'il peignait, que quelqu'un accordait une réelle importance à ses travaux.
Il connaissait Pete Johnson grâce à ses photos, qui passaient beaucoup sur internet. Lui-même n'était pas un expert ni un accro à l'informatique, mais il se débrouillait, et suite à cet appel téléphonique et à leur conversation, il avait cru bon de faire quelques recherches sur le jeune homme. Luke avait alors chaussé ses lunettes à grosses montures, avait ouvert son ordinateur portable et consulter la toile. Il avait été agréablement surpris par la qualité des photos de Pete.
Il se demandait tout de même comment rendrait ses peintures. Les derniers jets de son imagination débordante étant des grands formats, il ne pourrait pas vraiment les transporter, voilà pourquoi il avait été conclu que la séance de photos se passerait dans son atelier.
Mais avant, Luke devait retrouver Pete au café du coin. Une bonne idée, très bonne idée. Parfait pour une première rencontre. Il troqua alors son tee-shirt de travail recouvert de peinture contre une chemise à carreaux, et abandonna ses lunettes. Il fit un léger rangement dans la pièce, repoussant les pots de peinture contre les murs, triant ses œuvres selon ses préférences, passant un peu le balais sur le sol, mais se mit en route pour le café.
Il arriva un peu après 16h30, en pensant avec un sourire aux lèvres qui son psychiatre lui aurait arraché la tête à coup de stylo si c'était à leur rendez-vous qu'il avait été en retard. Même s'il ne s'agissait que de deux malheureuses minutes.
Il entra dans le café en cherchant des yeux une main qui se lèverait pour lui faire signe, ou un sourire qui l'accueillerait, mais n'eut droit à rien de tout cela. Il passa alors son regard sur chaque visage, à chaque table, et il s'arrêta finalement sur un jeune homme assis à une table, un appareil photo numérique entre les pattes, la bouche marquée par ce léger pincement des lèvres caractéristique chez les gens qui attendent.
Il s'avança alors en arborant un petit air satisfait et s'arrêta à quelques pas du photographe qui leva deux yeux d'un bleu limpide sur lui, et déclara en tendant chaleureusement sa main :
« Je suppose que vous êtes Pete Johnson. Pas vrai ? »Code by Silver Lungs