Séduire, ce n’est pas son activité favorite.  Elle trouve ça ennuyeux, comme le reste. Quel est l’intérêt d’aller voir une personne, lui parler de la pluie et du beau temps, de lui demander son numéro de téléphone, de coucher, de sortir avec, de se faire jeter, de se renfermer sur soi. Aucun. D’autant plus que pour Grace, le jeu de séduction est encore plus barbant qu’avec des jeunes hommes de son âge. Aucune maturité. Aucune tenue. Entretenir une conversation sarcastique, entretenir les espérances d’un flirt, ils ne savent pas faire. Mentionner ce qui se trouve en dessous de la ceinture sans tomber dans la vulgarité, c’est déjà beaucoup trop pour eux. Grace sait qu’elle ne peut trouver satisfaction auprès de ces cas. Alors, sûre d’elle, elle se plait à jeter son dévolu sur des hommes plus âgés. Parfois, elle doit mentir sur son âge. Parfois, non. Les hommes d’une certaine classe sociale ne jugent pas, ils écoutent. La plupart veut souvent aller bien plus loin qu’une simple conversation et c’est à Grace de savoir si elle leur accorde ce privilège ou non. Elle se contente de flirter les trois quarts du temps, que ce soit avec son coach sportif ou avec un trentenaire dans un bar. Rien ne lui fait peur de ce côté-là. Elle se sent en sécurité avec ces hommes. Bien souvent, ils ont dans leurs mots, dans leur attitude, un côté rassurant qui l’enveloppe de douceur. Même si la jeune fille n’est pas amoureuse, cela lui suffit largement pour s’échapper un peu du monde préfabriqué dans lequel elle vit. Et sa relation avec Dawson, bien que courte, dénuée de sentiments, n’a pas échappé à la règle. Mais contrairement aux hommes avec qui elle partage  un moment d’intimité, lui l’a trahie. Il s’était immiscé chez elle en compagnie de jeunes personnes de sa trempe pour tenter de dérober l’un des butins copieux des Halberstam en pensant certainement qu’ils pourraient s’en tirer facilement, et elle l’avait enfoncé un peu plus le jour de son jugement. Le discours emphatique de Grace, rempli d’émotions, avait largement suffi pour convaincre les autorités qu’il fallait absolument arrêter ces voyous. Ses yeux noisettes avaient longuement observé le jeune homme de l’autre côté de la salle, pour tenter de le comprendre. Ils n’avaient pas réussi. Ils avaient préféré se concentrer sur autre chose, décidés à ne plus lui accorder de l’importance. Grace ne le poursuivrait pas pendant des années suite à cet affront, à quoi bon ? Le poursuivre, c’est s’en préoccuper. Et parce que l’adolescente se sent bien au dessus de lui, elle préfère le balayer d’un léger coup de main, hors de sa vue. Elle s’est donc permise d’interrompre la conversation inintéressante de ses amies en compagnie des jeunes surfeurs qui accompagnent Dawson pour lui faire comprendre qu’il n’est pas le bienvenue là où elle se rend, qui plus est pour se reposer de sa vie ô combien épuisante. Mais il faut croire qu’il ne l’entend pas de cette oreille, qu’il a décidé d’entrer dans un rapport de force lui aussi. « Pardon ? Se connaître dites-vous, un bien trop grand mot, ne trouvez-vous pas ? » Grace esquisse un mouvement de recul, son visage affichant surprise et consternation. Ainsi, il continue ses affronts, il continue de la maltraiter avec ce sourire insolent, ce « vous » insultant, cette désinvolture en parlant à son amie alors que c’est à lui qu’elle s’adresse. Mais son visage ne perd pas la face. Il a exprimé la surprise, s’est transformé en sourire amical. « Maintenant que tu le dis ! Où avais-je la tête. » Elle lève les yeux au ciel, déjà lassée par le stratagème maladroit et inintéressant de son interlocuteur. Elle s’apprête déjà à reporter son attention sur quelqu’un d’autre mais il l’interrompt dans sa course avant que Grace ne puisse faire le moindre geste. « Désolé, sans ou plutôt sous ton masque d'actrice oscarisée, je ne t'avais pas reconnu. » La jeune fille lève les yeux au ciel une nouvelle fois. Ses bras sont croisés, son visage fermé. Visage qui se détend pour afficher l’un de ses plus beaux sourires. Référence à son magnifique discours le jour de son jugement. Grace est bonne comédienne, c’est l’une des nombreuses choses que sa mère lui a appris pour s’en tirer dans la vie. Mais Dawson a parlé de masque. Comme si elle fait semblant. Bien sûr qu’elle fait semblant, au fond. Il le sait, il s’en doute et c’en est dangereux. « Au moins, l’un de nous a un talent qui lui permettra de ne pas passer sa vie derrière les barreaux. » Les mots sont sortis sur un ton plus qu’amical et il en devient même difficile de penser que Grace vient de répondre à son attaque. Sauf que l’une ses amies, par pure coïncidence, vient d’avoir la plus merveilleuse des idées. « Et si vous nous donniez un cours de surf ? », lance Leigh, plus impatiente que jamais. Les deux autres renchérissent sous le regard amusé de Grace. Elle observe Dawson un sourire en coin tandis que ses amies choisissent déjà leur professeur attitré dans le groupe. Naturellement, aucune n’ose demander à celui qui a adressé la parole à Grace, par simple respect de ne pas marcher sur son  territoire. « Bien, je crains que nous allons devoir faire équipe, lance-t-elle au jeune homme, satisfaite, à moins que tu ne préfères rester sur ta serviette pour tenter de rendre ton teint de détenu un brin moins coupable. » Les derniers mots de sa phrase sont ponctués de son sourire de reine de beauté, bien qu’hypocrite au possible. Grace attrape ses lunettes de soleil, les jette au loin, sur sa serviette, prête à suivre un cours de surf, cours qu’elle a déjà suivi maintes et maintes fois. Elle est loin d’être une experte en la matière mais elle connait quelques rudiments bien simples, l’avantage de vivre en Californie.

Lui obéir, c’est un processus naturel si on désire faire partie de son cercle d’amis. Lorsque Grace refuse de participer à une soirée, il est logique de voir ses sbires en faire de même. Lorsqu’il faut réunir le maximum de voies pour ses campagnes de reine du bal de promo ou du conseil des élèves, elle n’a pas besoin de claquer des doigts. Ils s’activent, lui reportent son avancée et s’effacent au moment de la victoire. Grace pourrait les utiliser comme de simples pions mais elle ne le fait point. Elle n’a jamais demandé à ce qu’on la suive de la sorte, elle n’aime pas donner des ordres, passer pour une garce sans cœur qui ne pense qu’à son physique. Bien évidemment, l’ironie du sort, c’est que tout le monde la considère plus ou moins comme ça. Alors quelle différence cela fait, au fond, autant se comporter comme ça, autant confirmer l’étiquette qui lui colle à la peau depuis sa naissance. Avec désinvolture, elle a donc choisi son endroit sur la plage. Avec désinvolture, elle a plus ou moins déconseillé à ses « amies » d’aller discuter avec le groupe de jeunes hommes. Mais comme à la guerre, lorsqu’il est question de la gente masculine, les ordres n’existent plus. Grace le sait. Elle pourrait piquer le petit ami de n’importe quelle fille à son lycée, malgré sa réputation d’intouchable, il est presque sûr que cette dite jeune fille soit capable de lui lancer ses chaussures à talons dans la figure pour lui donner une bonne leçon. Donc elle a préféré laissé ses sbires se trouver une compagnie pour le reste de l’après-midi tandis que visiblement, de son côté, elle reste coincée avec son ex, ex qui a visiblement un peu trop apprécié son passage chez les Halberstam. Naturellement, au vu du regard long de la jeune fille à l’égard de Dawson à son arrivée, il est logique que leur conversation se transforme en une joute verbale acide, amère, acerbe, le tout ponctué d’un ton amical et chaleureux. Les amies de Grace n’ont pas véritablement compris ce qui se passe entre les deux et de toute façon, leurs deux neurones ne peuvent pas se concentrer sur leur flirt de la journée et celui de leur Grace Kelly en même temps. Triste réalité pour la reine de beauté qui se sent dès lors obligée d’avoir à proposer au jeune homme devant elle de faire équipe à ses côtés. En ne faisant pas dans la demi-mesure, bien évidemment. Après tout, Grace ne lui doit rien, elle peut le traiter comme elle le veut. « Moi ainsi que mon teint à faire pâlir d'envie toutes les filles sommes coupables, ça ne fait aucun doute. » Elle croise les bras temporairement, hoche la tête, faisant mine d’être impressionnée. « Auprès de filles à peine majeures, voire mineures, c’est certain.  » Les mots sortent sans qu’elle ne puisse véritablement les contrôler, comme si sa bouche est remplie de ce poison qu’elle expulse sur la première personne qui a osé la froisser. Comme si elle rejette sa haine qu’elle étouffe au fond de son être depuis quelques temps. Grace remet en cause à certains moments son attitude, ses mots. Pourquoi cherche-t-elle à continuer cette joute alors qu’elle s’est mainte fois répéter que l’ignorance est la meilleure chose à faire ? Parce que ça l’amuse. Parce que personne n’ose la contredire dans sa maison de poupée. Et pour une fois qu’elle instaure un rapport de force en se heurtant à un mur, à quelqu’un qui la connait intimement, sous ses sourires d’un blanc surnaturel, elle ne s’ennuie pas. « Autant s'y mettre ... As tu déjà chevauché une planche mademoiselle-je-sais-tout ? (..) Je précise " chevaucher une planche" tu remarqueras et non pas quelqu'un, pour ça je n'ai aucun doute sur tes compétences. » Le ton sonne faux, n’est pas aussi « amical » que le sien.  La dureté de ses mots relève certes la difficulté d’un cran mais surprend soudainement Grace. Elle laisse échapper un hoquet de stupeur, se recule d’un pas. Si sa précédente attaque était de mauvais goût, celle-là l’est tout autant. Evoquer son intimité, l’insulter de la sorte alors qu’elle porte cet anneau de pureté pour faire croire qu’elle attendra le mariage pour perdre sa virginité, il balaye tout ça d’un coup avec des propos vulgaires. Au moins, c’est clair pour lui. Ca semble toujours l’avoir été. Grace Halberstam reste une image, même dans un lit. C’est même à se demander si quelqu’un n’est pas caché et appuie secrètement sur les boutons destinés à activer l’automate. « Je .. » La jeune fille hausse les sourcils, craignant la prochaine attaque. Allons ? A moins que ce balbutiement ne soit le fruit que d’un regret à peine exprimé. Et si c’est le cas, même si ses propos sont blessants, Grace le supplie intérieurement de ne pas s’excuser. C’est ouvrir une fois de plus la porte à cet ennui mortel. « Chevaucher une planche…, commence-t-elle, un air dubitatif planant sur son visage, oui, je l’ai déjà fait auparavant. Quand on y réfléchit, c’est même logique pour une californienne pure souche. Très amusant d’ailleurs. Je dirais plus, très…Intense. » Une pause, tandis qu’elle regarde brièvement l’horizon et ses amies avant de reporter son regard innocent sur son interlocuteur. « Sauf bien évidemment lorsqu’il s’agit d’une petite planche. C’est d’un ennui confondant. » La jeune fille en profite pour rouler des yeux, signe de son agacement perpétuel dans ce genre de situation, métaphore toute trouvée pour Dawson et répondant délicatement à ces termes grossiers plus haut. Et comme à chaque fois que son tour passe, elle le gratifie d’un sourire qui en dit long. « Les autres ont déjà pris pas mal d’avance sur nous. A ce rythme-là, nous serons encore là ce soir. » Et elle n’a pas vraiment envie de passer sa soirée aux côtés de Dawson, surtout lorsqu’on l’attend à une fête incroyable. Enfin incroyable, c’est discutable. Pas aussi divertissant que cet échange musclé. Grace prend donc la tête du duo et marche en direction de l’eau, sans même attendre son professeur. En bon soldat, elle attend naturellement qu’il la rejoigne. Dans le cas contraire, elle trouverait bien quelqu’un d’autre à qui parler.

C’est bien sa veine, aujourd’hui. Pour une fois que quelqu’un ose lui tenir tête, pour une fois que quelqu’un réussit à la sortir de son quotidien monotone, Grace ne compte pas partir de sitôt. Elle s’en ira lorsque la compagnie de Dawson l’ennuiera au plus profond d’elle-même, jusqu’au point où il lui rappellera sa vie si morne. D’ailleurs, en dehors de sa petite personne et de ses intérêts personnels, Grace se demande comment certains font pour avoir une vie intéressante. Dawson, par exemple. Elle ne sait quasiment rien de lui, à part qu’il est passé par la case prison pour avoir commis une série de vols dans des maisons hors de prix. Mais déjà, c’est beaucoup. C’est intéressant, curieux, excitant pour Grace. Jamais ô grand jamais la jeune fille ne pourrait faire une chose pareille. La seule fois où elle a désobéi, elle s’était contentée d’acheter une robe hors de prix avec la carte bleue de son père alors qu’il lui avait formellement interdit de dépasser un certain montant. Et encore, Grace avait échappé à la sanction disciplinaire lorsque sa mère avait décrété que la robe était bien trop belle sur sa fille chérie pour lui infliger une telle punition. « Tu prétends être si pressée de t'échapper, mais je sais qu'au fond tu brûles d'envie de rester en ma compagnie. Pas la peine de le nier, chaque parcelle de ton petit corps te trahissent. » Grace continue de marcher sans s’occuper de Dawson. Lorsque ses paroles parviennent à ses oreilles, la jeune fille lève les yeux au ciel une fois de plus. Même si le ton emprunté n’est qu’ironique, elle n’est pas spécialement surprise, ne se sent pas atteinte. C’est plutôt lui qui a envie de l’avoir à ses côtés, pas le contraire. « Arrête de prendre tes rêves pour la réalité », lui adresse-t-elle au loin tandis qu’elle continue à avancer. Mais les pas qui la suivent s’arrêtent. Quoi encore, se demande Grace, alors qu’elle se retourne dans sa direction, les bras croisés. « Mais au fait, pour surfer il te faut une planche... Tu ne penses tout de même pas que je vais tout faire à ta place, si ?! Too bad. Tu en trouveras une vers nos affaires. Évite de te faire mal ou encore pire d'égratigner ma Leila. » Grace hausse un sourcil lorsqu’elle le voit mimer l’objet, un brin pervers sur les bords. Ah, il est fier de lui, de sa blague. Le pire, c’est qu’il ne fait rien pour faciliter les choses. Tenez par exemple. Il aurait pu l’apporter lui-même, sa planche. Honnêtement, quel homme oserait faire ça à une adolescente, hein ? Lui, visiblement. « Ah parce que cette chose a un nom, lance-t-elle dans un petit rire sarcastique, ta vie doit être bien morne pour en être rendu à ça. » Consciente qu’il ne bougerait pas le petit doigt pour elle, Grace finit par céder et par rebrousser chemin, profitant au passage pour le bousculer. Pas de sa faute, il est en plein milieu du chemin. « Hors de ma vue, tu bloques le passage. Essaie de te rendre utile un minimum. » Non, elle n’est pas véritablement ravie d’avoir à tout faire par elle-même. Comme si Grace n’en fait déjà pas assez. « Où si tu le souhaites, on peut encore tout simplement abandonner cette idée grotesque. Retourner à nos occupations. C'est-à-dire, pour ta part, accaparer l'attention, lézarder, parler potins sans grand intérêt, accessoirement fantasmer sur le corps du mec plus loin depuis ta serviette, tu l'auras compris je faisais allusion à ce corps. » Dawson parle de lui, il est sérieux, là ? Grace fait exprès de mimer une expression de dégoût à son égard lorsqu’elle atteint finalement les affaires du groupe. Elle met un temps à se souvenir de là où se trouvait Dawson plus tôt et finalement, ses yeux se posent sur l’espèce de chose blanche qu’il affectionne tout particulièrement. Lui l’affectionne, Grace s’en moque éperdument comme de la couleur du caleçon de Churchill. Elle attrape l’objet d’un geste maladroit, peu habituée à transporter quelque chose d’aussi énorme. Et encore, ce n’est pas un longboard. Finalement, au bout de quelques instants, elle parvient à la tenir correctement et s’avance vers Dawson, une expression blasée sur son visage. Arrêtée à sa hauteur, elle se débarrasse de l’objet en le jetant presque dans ses bras à lui. « Oh merci. Ta galanterie te perdra. » Une pause, tandis qu’elle regarde l’océan, puis son partenaire. « En fait, tu m’ennuies déjà. Je préfère aller nager. Comme ça tu pourras retourner à tes occupations, accaparer l'attention, lézarder, parler à ta planche sans grand intérêt et fantasmer sur le corps d’une fille qui se moque royalement de ta présence, autrement dit, moi. » Elle lui adresse un petit sourire compatissant et finit par s’en détourner, direction l’océan. « Amuse-toi bien », lance Grace d’un ton jovial. Non, il ne l’ennuie pas, bien au contraire. Seulement, elle sait qu’il faut alimenter l’affrontement pour qu’il continue encore et encore. Oh oui, elle espère sincèrement qu’il va finir par la rejoindre pour continuer cette joute verbale. Sa compagnie n’est pas désagréable, loin de là. Les courts moments qu’ils ont partagé auparavant ne l’ont jamais laissée sur sa faim, bien au contraire. Au final, Grace ne sait plus vraiment pourquoi elle a lancé le début des hostilités mais qu’importe, elle y trouve d’une façon ou d’une autre son compte.

Peut-être que Grace est allée trop loin, cette fois-ci. Peut être qu’elle s’est autorisée un peu trop de leste. Que dis-je, elle ne saurait même pas reconnaître ses propres limites. A force de la traiter comme une enfant pourrie-gâtée, il semble évident qu’adolescente, puis adulte, la jeune fille n’aura aucune notion quant aux barrières que tout être humain un brin censé doit respecter. Loin de l’irrespect, elle a quand même reçu une bonne éducation qui lui permet de ne pas devenir une fille sans-gêne et malpolie. Mais dans ses relations personnelles, il lui arrive facilement de trop exiger. Inconsciemment, la plupart du temps. Là, elle exige tout simplement de Dawson qu’il rende les armes et qu’il salue sa répartie exemplaire. Ou non, en fait. Elle exige qu’il continue à lui tenir tête, qu’il continue à la malmener de la sorte. Même si ça l’énerve, même si ses mots sont parfois durs à son égard, Grace ne peut s’empêcher de trouver leur joute verbale attrayante. La tension accumulée serait-elle en train de la faire basculer du côté obscur ? Peut être. Après tout, elle se souvient encore que sa brève relation avec Dawson n’avait pas été si désagréable qu’elle le laisse penser. Ca n’avait pas été l’amour fou, l’amour tout court,  mais ça avait temporairement été suffisant pour sortir Grace de son quotidien morne. « Profite également de ton barbotage en solo. » La sentence est tombée, alors qu’elle continue à évoluer sur le sable, persuadée qu’il va finir par lui courir après. Que nenni. Dawson s’en retourne à ses activités et, pour ne pas perdre la face, Grace continue d’avancer jusqu’à l’océan. Ses pieds dans l’eau, elle s’arrête un instant, plaçant sa main sur son front pour lui permettre de mieux voir à l’horizon et ainsi apercevoir l’une de ses amies. Enfin, Becca se manifeste. Elle sort de l’eau en compagnie de son binôme et discute pendant quelques minutes. Puis, d’un ton entendu, Becca lui indique qu’elle va brièvement se sécher et revenir la voir. Grace acquiesce, profitant du départ de son amie pour faire un plongeon dans l’eau encore fraîche. Elle fait quelques longueurs, barbote, puis sort lorsqu’elle aperçoit son amie un appareil photo dans la main, lui faisant signe de venir. Comme toute adolescente normalement constituée, Grace sort de l’océan excitée come une puce et commence à prendre une série de clichés un brin égocentriques avec sa chère Becca. Le regard des gens autour d’elles ne l’atteint bien évidemment pas. Au contraire, s’ils veulent rester et les observer dans leur séance photo improvisée, c’est avec plaisir. Grace sait qu’on la regarde et n’hésite pas à en jouer. Au bout de quelques minutes, les deux jeunes filles lâchent enfin l’objectif et Becca délaisse son amie pour reprendre son cours particulier de surf. N’ayant rien d’autre à faire, Grace finit par se diriger en direction de sa serviette afin de bronzer, de lire, d’écouter un peu la musique. Mais c’est vrai qu’à quelques mètres d’elle se tient sa victime, mille fois plus intéressante que ces activités qu’elle répète quotidiennement. Le hasard fait bien les choses, songe Grace, alors qu’elle se rapproche de Dawson. Elle ne prend cependant pas la peine de s’arrêter à côté et lui lance au loin son énième attaque. « Oh que vois-je, une petite rougeur due à la chaleur ? Comme c’est mignon. On dirait que même le soleil ne digère pas ta peau. » Grace laisse échapper un petit rire avant de remettre ses lunettes de soleil sur son nez et de s’allonger sur sa serviette, face au soleil.