❝❝I'M SORRY BUT "WE" DON'T EXIST NOW.❞.❞

Aujourd'hui n'était pas une journée pour sortir et pour une fois Jodie était bien content de rester au chaud dans sa petite librairie. Derrière son comptoir il était tranquillement en train de lire un bouquin. Avec ce temps il ne s'attendait pas à avoir énormément de monde. Généralement et malheureusement pour lui la pluie n'était pas favorable pour avoir des clients, en tout cas pas quand on est libraire. Même s'il savait que les jeunes se ruaient au centre commercial ou encore dans des cafés en ce moment-même, il était tout de même plutôt content de rester ici. C'était calme, apaisant et puis ses amis les livres étaient là et ça, personne ne pouvait les lui enlever. Ils ne pouvaient pas s'échapper, pas comme son petit frère avait pu le faire il y a quelques mois de cela. Bien qu'il essayait de tout faire pour ne pas s'en rappeler, cela lui revenait, parfois, en mémoire. Dans ses moments là il se replongeait dans sa lecture, espérant que ce sentiment d'impuissance, de faiblesse disparaisse. Mais après quelques secondes il comprit que cette fois-ci elle ne partirait pas comme elle était venue. Il prit une inspiration, ferma les yeux. Mauvaise idée. Les images lui revinrent en tête. "Tyler". Comme un spasme, son corps recule, n'ayant évidemment pas calculé sa force le voilà violemment projeté contre l'étagère se situant derrière son comptoir. Il se laisse glisser. Se retrouve assis en tailleur dans son magasin, la tête dans ses mains. Les larmes veulent couler, il veut que sa rage sorte, mais ce n'est pas le jour, ce n'est pas le moment, il ne faut pas qu'il craque. Il décide une nouvelle fois d'y faire face, décide une nouvelle fois de prendre le taureau par les cornes qu'importe son taux de nervosité. Il se relève. Fixe du regard sa chaise, puis son livre. Réalise qu'il n'a plus envie de se plonger dans la lecture sachant pertinemment que ce n'était pas de ça dont il avait besoin. Il avait besoin de voir une amie, besoin de parler futilement. Une idée, plus précisément une personne lui vint en tête. De nouveau motivé. Il prend à la va vite un bout de feuille, un stylo, écrit à la va vite un message puis, à l'aide d'un scotch, la colle sur la porte vitrée. Il prend les clés du magasin, son manteau puis se laisse emporter par la folie du vent, s'engouffre dans ce mauvais temps pendant un court laps de temps.

Citation :

"parti pour prendre mon petit goûter habituel au Jule's coffee. Si c'est urgent venez me rejoindre je porte un pull beige."

Lorsqu'il arriva au café de son ami il était tout trempé. Mais rien ne pouvait gâcher ce regain d'énergie... sauf peut-être Juliet Emerson elle-même. Effectivement, ce n'est que lorsqu'il entreprit d'ouvrir la porte qu'il se rappela l'amnésie de son amie. Ne pouvant plus faire machine arrière il se sentit, tout d'un coup, bien bête... idiot même de ne pas s'en être rappelé plus tôt. Certes elle était toujours aussi gentille et agréable, mais cette femme se tenant devant lui et l'accueillant avec se sourire, comme si rien ne s'était passé ne pouvait combler cette perte de mémoire, ne pouvait remplacer et faire ressurgir toutes les discussions qu'ils avaient pu partager. Il n'avait qu'une envie repartir dans sa librairie. Mais n'ayant pas été élevé de cette manière il se sentait obligé de commander quelque chose. Il se dirigea vers elle. Remarquant par ailleurs sur son passage quelques messes-basses à son encontre. Il n'eut pas besoin d'en savoir plus lorsqu'il entendit dans un coin du café cette phrase innocente: "Mais si c'est le frère du tireur!" Lui qui pensait pouvoir prendre un café tranquillement dans son café habituel, il eut cette idée de le prendre à emporter. Arrivé au comptoir il dit d'un ton mélancolique, nostalgique, involontaire: "Bonjour, comme d'hab..." encore une bourde évidemment, sinon ce ne serait pas drôle. "Euh... excuse-moi tu ne sais pas, enfin tu ne sais plus...je" dit-il plus que gêné. "ok... c'est gênant... désolé...! Je vais prendre un café, si possible avec du lait de soja et un croissant." Il ne peut s'empêcher d'accompagner sa demande avec un sourire, timide certes, mais un sourire quand même. "Temps de chien hein? Au fait je pense le prendre à emporter!" dit-il espérant ne pas la blesser. Bien que son amie n'était plus là, en tout cas elle ne se souvenait pas de lui, il avait toujours cette inquiétude, ce besoin de savoir qu'elle se sente bien.
 

❖ ❖ ❖
Remember all the things we wanted
Now all our memories, they're haunted'

Une bien triste journée avait débuté, identique à celles que je passais depuis des mois. Depuis ce terrible mensonge que j’avais inventé de toute pièce afin de démarrer une nouvelle vie. Une idée terriblement idiote, qui avait causé pas mal de peine autour de moi. En voulant fuir mes responsabilités, j’avais en même brisé le cœur de pas mal de gens auxquels je tenais, et à qui je rêvais de dire la vérité. Mais c’était impossible et pour une fois, je devais assumer les conséquences de mes actes. Ma serveuse était en congés, pendant quelques jours, et le café était bien vide par ce temps si pluvieux. Pas l’ombre d’un seul client, qui avait certainement préféré ne pas quitter leur lit ou leur travail. Comme je les comprenais. Accoudée contre le bar, j’attendais avec impatience que le bruit de la clochette se trouvant à l’entrée sonne enfin. Et ce n’est que quelques secondes après qu’elle daigna enfin se faire entendre, indiquant ainsi l’entrée de mon premier client de la journée. Et pas des moindres… Malgré ses cheveux trempés et son air étrange, je reconnu rapidement mon ami Jodie qui bien entendu faisait partie des gens à qui j’avais fait du mal en faisant croire que j’étais devenue amnésique. Je devais jouer ce rôle à contre cœur avec lui, et nos conversation d’avant me manquaient terriblement.  Un sourire aux lèvres, j’essayais de me montrer courtoise alors qu’en réalité, l’envie de le serrer dans mes bras et de lui avouer toute la vérité était bien plus grande. Je devais penser à autre chose, balayer cette pensée absurde qui ne ferait qu’empirer les choses. Silley était la seule qui avait bien pris la vérité, et je ne voulais prendre à nouveau un tel risque.  Il s’installa au bar et machinalement passa sa commande, comme il avait l’habitude de faire avant mon accident. D’un air plutôt triste, il se rendit compte de son erreur et tenta de se rattraper. A cet instant, je me pinçais discrètement la cuisse – aussi fort que possible – pour éviter de craquer. Il me faisait tellement de peine et avait l’air si malheureux. « Hey, ça va aller… » Commençais-je par répondre, d’un air très rassurant. Je lui devais bien ça, un peu de compassion et de gentillesse. Il voulait prendre son café et repartir avec, mais avec un tel temps je ne pouvais que le convaincre de rester. Je lui préparais alors son café, comme il le désirait avec du lait de soja. Jodie était bien le seul à me demander ce type de café, alors disons qu’il était plus que privilégié et que je faisais en sorte d’avoir toujours du lait de soja en stock. « Et voilà. » Lançais-je ne le servant, sans avoir pris la peine de préparer sa commande à emporter. « Avec ce temps, il serait préférable que tu reste là. Tu sais, le temps que ça se calme. » Dis-je alors, le regard posté sur la fenêtre, où la pluie ne cessait de tomber en trombes. Il était déjà tout trempé, inutile d’empirer les choses. « Est-ce que… tu veux quelque chose pour te sécher ? » Demandais-je alors, pleine de bonne volonté. Il était mal à l’aise, c’était certain. Mais j’étais bien décidée à le détendre. Et puis, je ne voulais pas rester seule... 

Spoiler:

❝❝I'M SORRY BUT "WE" DON'T EXIST NOW.❞.❞

TIl n'aimait pas vivre ce genre de situation. Non vraiment il trouvait toujours cela très gênant. Lui qui aimait, était un spécialiste des blagues pas drôle, le fait de se retrouvait coincé avec une femme ne se rappelant aucunement de son humour le déstabilisait. Elle avait beau être attendrissant, son sourire avait beau effet de lui redonner le sien... Jodie n'était vraiment pas d'humeur à refaire la discussion, réapprendre la connaître à reconstruire une amitié. Ce qui était en soi quelque peu égoïste de sa part. Ce n'était d'ailleurs pas son style de réagir comme ça, lui qui était en général plutôt altruiste et compatissant. Mais il n'arrivait plus à envisager le futur, le présent positivement, n'arrivait pas à se motiver, à retrouver de la force pour faire de nouvelles choses, réapprendre à vivre, réapprendre à aimer la vie... Le problème Juliet ne pouvait se résoudre, il avait beau s'entêter Juliet ne serait plus la même Juliet? Elle avait beau lui ressembler, avoir les mêmes mimiques, le même entourage, elle ne sera plus la même. Il s'était fait une raison avec le temps et après l'accident avait décidé tout simplement de faire table race du passé. Pensant d'ailleurs avoir réussi à écourter leur conversation, Juliet étant bien décidé à le garder près d'elle, lui amena son café avec son service habituel, intérieur, sur place. Bon il ne pouvait qu'approuver l'idée que son entêtement n'avait pas disparue, bien au contraire, ce qui n'était pas un bon point. N'étant pas d'humeur, il ouvrit la bouche pour lui signaler que ce n'était pas de cette manière qu'il voulait son café et qu'il fallait qu'elle revoit d'urgence la définition dû à emporter qu'elle avait certainement du mal à assimiler de nouveau.- tout cela gentiment évidemment - mais ce ne fut pas ses sons qui sortirent de sa bouche. Sa voix était même étrangement amicale: "merci!" il venait de la remercier! Pourquoi? Lui-même n'en savait rien... Il ne voulait pas le faire, mais pourtant c'était ce qui était sorti de sa bouche. Pensant que Juliet allait repartir il fut surpris de sa demande suivante. ça le fit même sourire. Juliet était prévenante, elle aussi, avant. "Non c'est bon... c'est gentil, mais ce n'est que de la pluie... ça va sécher tout seul puis de toute façon je vais bien à un moment donné devoir me mouiller de nouveau pour atteindre ma boutique!" dit-il en jetant un coup d'oeil dehors, la pluie n'avait à première vue pas l'air de se calmer.

Coincé dans le café de son ancienne amie, il ne pu s'empêcher à un moment donné de la fixer. Il se demandait bien ce que cela faisait de perdre la mémoire, ce qu'on devait ressentir. Certainement un vide. Cela devait être tout de même perturbant, déjà que ça l'était un minimum pour lui et il n'osait pas imaginer les réactions de ses autres proches, de son entourage, de Rhet... Qu'est-ce qu'elle devait ressentir? C'était comme si elle se retrouvait coincé dans une vie qu'elle ne désirait pas. Perdre la mémoire nous offre la chance de recommencer à zéro tout en sachant que nous sommes bloqués par cet entourage que l'on a autrefois aimé, dont on ne se souvient malheureusement plus... Elle pourrait partir, fuir... mais elle reste pour eux, pour renouer avec des personnes dont elle ne se rappelle pas. Juliet était courageuse. Rien que pour ça il l'admirait. Même si Jodie voulait tout oublier de l'accident, de Tyler il savait, au fond que la mémoire était précieuse à l'homme. Venait-il de comprendre que son comportement n'était pas des plus approprié? Réagissait-il trop abruptement, trop ré-activement. Au fond elle-même n'y était pour rien en sa perte de mémoire. Il devait calmer ses nerfs. Redevenir normal. S'il l'avait été un jour... Un silence c'était installé entre eux deux, sans le vouloir. Il se devait de briser la glace, pour elle. "Alors? Je... si tu dois te rappeler de moi... un minimum enfin tu dois te rappeler de moi en tant que le gars de l'hôpital, super maladroit etc..." dit-il en essayant difficilement et ardemment de faire de l'humour. "Comment se passe ta nouvelle intégration? Ta nouvelle vie?" dit-il en se demandant lui-même si cela était une bonne idée d'évoquer ce sujet... Comment mettre les pieds dans le plat façon Jodie Spivet.


 

Spoiler: